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Channel: féminisme – Bonnet d'âne
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Du bon usage du français et de la Française

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Alors ? « Madame le président ? » « Madame la présidente ? » « Madame le ministre ? » « Madame… »
On ne plaisante pas avec le genre : cela peut vous coûter jusqu’à 1300 euros par mois — c’est du moins ce qui est arrivé au député du Vaucluse Julien Aubert, que Sandrine Mazetier, la (vice)présidente de séance à l’Assemblée a fustigé au portefeuille parce qu’il avait opté pour l’Académique au détriment du linguistiquement correct. 1300 euros pour avoir respecté la langue, voilà qui ferait rêver bien des profs : imaginez, si vous pouviez taxer chaque élève auteur d’une impropriété… Voilà résolu le douloureux problème des salaires notoirement insuffisants des enseignants.
Soyons clairs : « Madame le président » est absolument correct. En français, « Madame la présidente » désigne la femme du président : je travaille une fois de plus en ce moment sur les Liaisions dangereuses, et Mme de Tourvel y est constamment appelée « la divine Présidente », parce que son mari, heureusement absent, est Président à mortier, comme on disait, d’un parlement régional. Noblesse de robe. Et Baudelaire mourait d’amour pour la « présidente » Sabatier, «  la très chère, la très belle, l’idole immortelle », pendant que Gautier la baisait sauvagement et lui écrivait des lettres torrides — à chacun selon ses moyens. Tout comme le « Madame le ministre » que le même Julien Aubert, dix minutes plus tard, adressa à Ségolène Royal, qui ne s’en est pas particulièrement émue.
Parce qu’enfin, comme le signale avec un vrai humour Sandrine Campese dans l’Obs, « Madame la maire », parmi tant d’ambiguïtés malsonnantes, serait particulièrement mal venu — « Je vois la maire d’ici », comme dirait un kakemphaton que j’ai beaucoup aimé… La féminisation systématique voulue par les plus crétines des féministes, et par une Gauche qui n’a vraiment rien d’autre à faire que des réformes sociétales, vu que les autres sont votées à Berlin ou à Bruxelles, est une faute contre la langue. « Professeure », « auteure », et autres monstruosités peuvent, si ça leur chante, trouver un hébergement dans les colonnes du Monde, mais pas sous la souris d’un honnête homme (mince alors, je ne peux pas écrire « honnête femme » sans verser dans le quiproquo — peut-être parce que l’homme d’« honnête homme » désigne l’être humain, hé, patate !). Sandrine Mazetier est cette députée qui proposa jadis de débaptiser les écoles maternelles, parce qu’elles trouvait que l’adjectif réduisait la femme à sa fonction reproductrice. Elle a des enfants, la madame ? Ou faut-il dire « le madame », elle qui avait précédemment interpellé  Julien Aubert « monsieur la député(e) »? Comme quoi donner le « la » peut désormais être une faute d’accord… Bizarre, bizarre…
Que dit la langue ? La langue dit que seul l’usage impose, et non une sous-commission des lois. Sandrine Mazetier, qui a fait une classe prépa et même une Licence de Lettres classiques, avant de dériver vers le CELSA, aurait dû l’apprendre : c’est Vaugelas qui a formulé cela le plus nettement. « L’usage est le maître de la langue », dit-il — avant de préciser que par « usage » il faut encore entendre le « bon usage », conformément à « la façon de parler de la partie la plus saine de la Cour, conformément à la façon d’écrire de la plus saine partie des auteurs du temps » — pas les journalistes qui se croient obligés de rajouter des œufs à des mots qui ne leur ont rien fait. Pour le moment, ni l’Académie ni le Larousse n’ont encore entériné « professeure » — ni le féminin de « ministre ». Valérie Pécresse, que j’ai un peu fréquentée, préférait être « madame le ministre », parce que l’expression associe une femme à une fonction, et que la fonction est neutre, d’autant plus neutre qu’elle est prestigieuse (pas de ma faute si en français le neutre se confond, morphologiquement, avec le masculin). Amis enseignants, demandez donc dans vos académies si le recteur, quand il est une femme, exige d’être appelé « madame la recteur » ou « madame la rectrice » — beurk… À Clermont-Ferrand, par exemple, Marie-Danièle Campion est appelée « madame le recteur », et elle a bien raison.
Interviewé par Atlantico sur le sujet, j’ai juste rappelé que « le vrai féminisme, celui que je pourrais revendiquer, consiste à former des hommes et des femmes, indifféremment, pour les amener au plus haut de leurs capacités afin qu’ils occupent les postes les plus éminents pour lesquels ils sont faits » et que « la politique des quotas est une absurdité sans nom : je n’ai aucune objection à avoir un gouvernement essentiellement ou totalement féminin, dès lorsque les femmes choisis seront plus compétentes que les hommes. Le vrai féminisme consiste à avoir des femmes compétentes à de vrais postes de présidents (et elles se ficheront pas mal, alors, d’être appelées présidentes), et non des guignols de sexe féminin à des postes pour lesquels elles ne sont pas faits » — vice-présidente de l’Assemblée, par exemple. Parce qu’enfin, soit le genre des mots (qui n’est pas un sexe des mots, comme je l’entends parfois) est devenu indifférent, et nous allons vers des temps troublés, soit il a été sanctifié par l’usage, même quand l’usage est arbitraire : demandez ce qu’ils en pensent à amour, délice et orgue, auxquels le même Vaugelas a imposé un changement de genre selon qu’ils sont singulier ou pluriel. Au lieu de se focaliser sur des appellations incontrôlées, les féministes feraient mieux de s’occuper des jeunes Maghrébines forcées de porter un voile. Elles feraient mieux de se battre pour que les ouvrières illettrées de Gad et d’ailleurs apprennent correctement à lire et à écrire (j’ai participé dans les années 1970 à des formations d’immigrés auxquels nous apprenions à décrypter le français, assez pour qu’ils évitent les pièges tendus dans les contrats que leur faisaient signer les patrons et les marchands de sommeil de l’époque — apparemment, ça ne se fait plus). Elles feraient mieux de se battre pour que le slogan « à travail égal, salaire égal » ne soit pas un vain mot. Bref, elles feraient mieux de se battre, au lieu de sodomiser les diptères et les lexicographes avec un olisbos législatif. Mais pour cela, il aurait fallu qu’elles soient féministes avant d’être hollandistes, et qu’elles sussent parler français. Et ça…

Jean-Paul Brighelli


Osez le féminisme, 2 : aujourd’hui, le féminicide

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Osez le féminisme ose tout, c’est même à ça qu’on le reconnaît.
C’est à peu près ainsi que se terminait mon précédent billet.
Mais je n’avais pas tout vu.
Voici que le même groupuscule d’activistes obsédées par le Père et la paire propose désormais, sous la plume d’une certaine Aude Lorriaux, d’ajouter au Code pénal, qui est déjà assez complexe, le crime de « féminicide » — une revendication majeure de cette association de punaises. Ce serait une circonstance aggravante que de tuer une femme. Après le « masculinisme », un néologisme supplémentaire est né du cerveau fertile mais dérangé des féministes déjantées.


Ou incultes. Probablement se trompent-elles sur l’étymologie du mot « homicide ». « Homo », c’est l’être humain — homme ou femme. « Homicide », cela suffit. Sans doute les féministes d’Osez le féminisme pensent-elles qu’« homo » renvoie à « homme » — après tout, certains élèves encore jeunes ne croient-ils pas qu’un homicide, c’est le meurtre d’un homosexuel… Pareil pour « homo sapiens » : va falloir inventer, les filles ! Femina sapiens ? Surtout que, comme me le souffle une amie, ça doit vous agacer que la sapience soit attribuée aux hommes — ou aux homos ?
Peut-être faudrait-il les renvoyer en classe ?

La loi répertorie d’ailleurs bon nombre de circonstances aggravantes, dans l’article 221-4 du Code pénal. Je signale particulièrement le 4 bis à l’auteur (non, pas de e à auteur ! On peut aimer les femmes et la langue ! Il vaut mieux, même), où le meurtre d’un(e) conjoint(e) est une circonstance aggravante.
Mais ces crétines bornées veulent faire rajouter « sexe » au paragraphe 6 (« A raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée »). Ce qui mettrait les juges dans des situations complexes, et enfreindrait l’un des principes les plus solides du Code, l’égalité devant la loi : on serait mieux servi si l’on est une femme qu’un homme ? Allons donc !
Mais j’argumente en vain contre des gens qui n’ont pas un atome de raison.

Qu’on me comprenne bien. J’ai participé, dans les années 70, aux activités du MLAC (Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception), j’ai milité avec certaines « Gouines rouges », cette excroissance du MLF version Marx, j’exalte en classe la Marquise de Merteuil, « née pour venger [s]on sexe », je n’ai de reproches ni de conseils à recevoir de personne en fait de féminisme. Et j’aime les femmes — je les aime assez pour ne pas supporter qu’un quarteron d’hystériques les dégrade collectivement à mes yeux. Amies, révoltez-vous : Osez le féminisme dégrade les femmes, les avilit, les consigne dans des revendications imbéciles et des postures tout aussi contraignantes que maman et putain, et les dresse contre les hommes, en croyant les libérer. Oui, révoltez-vous — ou ne vous étonnez plus des discours misogynes et des comportements-limites. « Les hommes auteurs de vos maux », disait Laclos. Eh bien aujourd’hui, ce sont les femmes qui sont les plus grands ennemis des femmes. Enfin, certaines.
Cela dit, je suis assez favorable à un délit de « féminicide » au sens de « ce qui porte atteinte à la féminité ». Les mutilations génitales communautaristes, excusées par les belles âmes, ou le port de la burka, désormais autorisée par Najat Vallaud-Belkacem pour escorter les élèves dans le cadre des sorties scolaires. Entre autres exemples.
Ah bon ? Osez le féminisme n’y a pas pensé ? Faudrait-il penser pour elles ?

Jean-Paul Brighelli

Olympe, reviens, elles sont devenues folles !

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Un « collectif »…
(J’adore ce mot-là, comme on dit en Iran : collectif ! On sait déjà, rien qu’à l’entendre, que les individus qui le composent sont d’une nullité sidérante, mais qu’ils croient dur comme fer que l’addition de plusieurs zéros finit par faire quelque chose…)
Un collectif « créé par des actrices et acteurs de la société civile »…
(Dites-moi, c’est quoi, le contraire de la société civile ? Serait-ce cette société incivile qu’on appelle le milieu politique ? L’armée ? La religion ? Le sabre et le goupillon ? Quoi ? Quoi, dit la grenouille)…

Je ne sais pas ce que j’ai, mais il faut que je m’arrache…

Un collectif, donc, a lancé la campagne « Droits humains pour tou-te-s ».
C’est écrit comme ça, « tou-te-s. C’est un peu comme le titre-vedette de Murakami, 1Q84 : on ne sait pas trop comment le prononcer. Un cul huit quatre ? Mille culs quatre-vingt-quatre ? Un QI de 84 (1) ? Mais tou-te-s ? Le « s » est en facteur commun de toutes et tous. C’est comme le P de UMPS. « Tou-te-s » est censé rassembler (dans le collectif, sans doute, ou dans les mille culs) aussi bien les tous que les toutes, et tout ce qui se trouve entre les deux. Ah, mais c’est con, je veux dire, c’est qu’on respecte la théorie du genre, dans ce collectif, d’ailleurs, il est signé par le fondateur de la « journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie », on vit une époque formidable, on apprend des mots nouveaux tous les jours…

Donc la campagne (« Moi d’abord la campagne, faut que je le dise tout de suite, j’ai jamais pu la sentir… Mais quand on y ajoute la guerre en plus, c’est à pas y tenir », dit très bien Céline dans le Voyage au bout de la nuit) « vise à obtenir l’abandon par les institutions de la République française de l’expression « droits de l’Homme » pour la remplacer par celle de « droits humains ». Droits humains pour tou-te-s ! Imprononçable ! J’y renonce !
Qu’ajoutent-elles, mes louloutes ? Que « le choix de l’expression « droits de l’Homme » a d’emblée signifié l’infériorité et l’exclusion du genre féminin : la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ne s’appliquait pas aux femmes. Léguée par une tradition de discrimination machiste qu’il convient de combattre plutôt que de perpétuer, cette expression continue d’invisibiliser les femmes, leurs intérêts et leurs luttes. »
« Invisibiliser » ! Un genre de création verbale en six syllabes, rien que ça, qui vous rend fier d’être français ! Le héros de H.G. Wells a été invisibilisé par son expérience ! Et maintenant, la femme invisible ! Good gracious ! Quand je pense à tous ceux qui se détronchent pour suivre du regard mille fois par jour l’une ou l’autre de ces invisibles qui passent en dessinant le signe de l’infini avec leurs fesses…
Veulent les « droits humains » ! Savent pas que l’homme dont il s’agit dans la déclaration des Droits, c’est homo, l’être humain justement. Homo, pourtant, ça devrait leur plaire, à tou-te-s ! Mais non ! Z’ont anticipé la réforme du collège à Najat : le latin et le grec passés par les écoutilles, vulgaires annexes au cours de français, vagues regards sur une civilisation mortelle — les Grecs, hein, toutes des fiottes, c’est bien connu, des gens qu’on appelle les Hellènes — pff, la belle Hélène, qu’il rigolait, Offenbach !
C’est pas neuf, figurez-vous. Olympe de Gouges avait écrit les Droits de la femme et de la citoyenne, en 1791. Elle y remplace « homme » par « homme et femme » : encore une qui confondait vir et homo. On l’a guillotinée deux ans plus tard, pour lui apprendre la syntaxe révolutionnaire, c’est pour le coup qu’elle en a perdu son latin. Et c’est justement un homo, Pierre-Gaspard Chaumette, qui a salué l’exécution de cette virago, « la femme-homme, l’impudente Olympe de Gouges » — « tous ces êtres immoraux ont été anéantis sous le fer vengeur des lois ». Crac ! Lui aussi y est passé, six mois plus tard, en avril 1794. Les Droits de l’homme ne font pas de cadeaux.

Franchement, n’ont rien de mieux à faire que de se battre sur les mots ? Trouvent que les droits de l’homme, si respectés comme chacun sait, tiennent à un substantif qui pourrait être un adjectif ? Feraient mieux de demander l’application des Droits au Moyen-Orient — les islamistes de Daesh ne font pas le détail et les décapitent tou-te-s, les chéri-e-s. Hommes et femmes, ran ! L’égalité par le sabre ! Quant aux homos, je vous dis pas. Le pal, ça commence bien et ça finit mal.
Ou bien pourraient (non, non, c’est pas un tic soudain, de ne plus mettre de sujet, juste de la prudence : je n’voudrais pas passer pour un macho insupportables en disant « ils », ni pour un soumis pitoyable en écrivant « elles ») se soucier du sort de leurs congénères (et je ne ferai pas de jeux sur ce mollah !) affublées d’un voile / burqa / tchador, rayer les mentions inutiles, dans les couloirs des facs et des hôpitaux. On ne peut pas revendiquer l’égalité avec les matous et accepter, au nom de la liberté de dire des bêtises et d’en faire, que des femmes soient mises en état de minorité visible par leurs grands frères ou leurs maris en 2015. Faut être logique.

Cette histoire de droits « humains » (good gracious, l’égalité tient donc à une modification grammaticale ? Sommes-nous bêtes de ne pas y avoir pensé avant ! Ç’aurait résolu les écarts de salaires entre hommes et femmes, 20 à 25% en moyenne hors Fonction Publique— une paille) me rappelle un roman policier écrit vers la fin des années 1970 par Mireille Cardot et Larie-Lise Berheim, intitulé Mersonne ne m’aime, où les deux auteurs (on ne disait pas encore « auteure » à l’époque, on se contentait de se battre pour le féminisme au jour le jour, on n’en revendiquait pas les oripeaux syntaxiques, les gadgets morphologiques) remplacent systématiquement la syllabe « per », car il y gît le Père, voire la paire, par la syllabe « mer » — sauf que la Mère, faut s’la faire. Une parodie drolatique. Elles aimaient rire, à l’époque, les féministes — j’avais travaillé au sein du MLAC (bon sang, qui se souveint du MLAC, le Mouvement pour la Liberé de l’Avortement et de la Contraception ? On s’fait vieux) avec certaines d’entre elles qui étaient des gaies luronnes de premier choix. Leurs descendantes n’ont aucun humour, et ça, tu vois, c’est un crime capital. Lèse-majesté humaine. La situation est grave, presque désespérée, et vous faites la gueule ? Quand tu n’es pas gai, ris donc ! Ris donc, Paillasse !

La liste des signataires de la pétition (le fameux collectif) est instructive : y sont rassemblées toutes les pétasses sans humour, les associations socialisantes (on dirait un exercice de diction, hein…), celles qui se revendiquent de sainte Simone et de la Bienheureuse Taubira, les « Désobéissant-e-s (sic !) et les Effronté-e-s et les Elu-e-s Contre les Violences faites aux femmes (re-sic, c’est un tic commun à tou-te-s !), toutes les associations siphonneuses de subventions, les adoratrices des lois sociétales du PS — et, forcément, un mystérieux collectif dans le collectif qui s’appelle « Olympe de Gouges aujourd’hui ». Sans compter les « personnalités signataires », des cinéastes inconnus, des auteurs à réclamer, des journalistes plus free que lance, et quelques-unes des universitaires qui signaient aussi contre l’interdiction du voile à l’université. Que du beau linge. On serait en 1793-1794, on aurait la liste toute faite des prochain-e-s candidat-e-s pour l’abbaye de Monte-à-regret, la bascule à Charlot — la Veuve. Y a des jours comme ça où la connerie étalée au grand jour me rendrait presque sanguinaire.

Ça me va très bien, moi, les Droits de l’homme et du citoyen. J’aimerais juste qu’il y ait plus d’hommes — je suis comme Diogène, je cherche —, et plus de citoyens, au lieu d’avoir une France en puzzle éclaté de communautés communautaristes. Oui, plus d’hommes, moins de salopards à figure humaine, de dégénérés du monothéisme, d’exploiteurs des deux sexes, de gogos, de gagas et de féministes-qui-n’ont-que-ça-à-foutre, les pauvres. J’aimerais, j’aimerais — dans dix mille ans.

Jean-Paul Brighelli

(1) Un alerte lecteur — merci à lui — me signale gentiment qu’il faut dire « 1 kiu 84″ — étant entendu que « kiu », prononciation anglaise de Q, signifie 9 en japonais. Bref, non content d’imiter Orwell dans son texte, Murakami lui a piqué son titre. C’est pas bien ! Tout ça pour faire allégeance aux Anglo-saxons qui le lisent, et répudier les Japonais qui ne constituent pas, j’imagine, un marché assez porteur. Pauvre mec ! Allez, je vais me remettre à Yoko Ogawa, qui est constamment exquise et sera prix Nobel de littérature dans une quinzaine d’années.

Brûlons les voiles

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Contrairement à une légende tenace, les féministes n’ont jamais brûlé leurs soutiens-gorge. Elles avaient bien prévu de le faire, en ce jour de septembre 1968, pour protester contre l’élection, qu’elles jugeaient quelque peu futile et sexiste, de Miss Monde, mais elles n’ont pas eu l’autorisation de faire un feu en plein New York : alors, elles se sont contentées de les mettre à la poubelle. Symboles de l’aliénation, de la contrainte, de l’enfermement. On peut imaginer que les suffragettes des années 1900 ont jeté de même leurs corsets, avant même que Mary Phelps Jacob invente la première paire de brassières en 1913. Mais Paul Poiret dès 1906 (ou est-ce Madeleine Vionnet ?) avait créé des robes à taille haute qui impliquaient la disparition de cet accessoire quelque peu contraignant. En tout cas, la Première Guerre mondiale en a sanctifié la disparition.
Tout ça pour dire…

Plusieurs amies d’un féminisme incontestable (pas les pétroleuses des chiennes de garde, non : de vraies féministes, qui attachent plus d’importance aux réalités qu’aux symboles, et ne répugnent pas, éventuellement, à s’offrir de la vraie lingerie de charme sans avoir l’impression d’être des femmes-objets) m’ont avoué partager un sentiment que j’éprouve pour ma part chaque jour : celui de ne plus supporter le moindre vêtement qui implique l’abaissement de la femme.
Le voile islamique, par exemple. Pas seulement la burka, ni le tchador, toutes ces horreurs inventées par des barbares pour contraindre les femmes à disparaître. Non, les simples voiles islamiques. « Une offense perpétuelle contre les femmes », me dit l’une d’entre elles. « Le symbole de l’abaissement concerté des femmes », me dit une autre. Et elles comprendraient fort bien que ‘on interdise ces symboles d’oppression non seulement dans les universités, non seulement à la Poste ou dans les hôpitaux, et dans les services publics en général, mais dans la rue. Parce que ce sont des exemples déplorables de soumission à une soi-disant autorité masculine qui évoque la barbarie et le Moyen-Age. Et rien d’autre.

Et ce n’est pas être un ayatollah de la laïcité (prodigieux oxymore, quand on y pense…) que de dire cela. C’est juste une façon de se rappeler que sur les écoles et les monuments français, il y a, avant tous les autres, un petit mot de trois syllabes qui s’écrit LI-BER-TE. Et que c’est un concept qui ne se négocie pas. Je sais bien que cela fait hurler les idiots utiles de l’islamisme radical, qu’ils sévissent sur Médiapart ou ailleurs. Mais il n’y a qu’une liberté — celle de 1793? celle de 1905. Et elle ne peut tolérer les symboles de l’esclavage.

Dans une ville comme Marseille (et dans pas mal d’autres : il faut habiter Paris, quartiers des ministères, pour croire que le voile est une offense anecdotique), ce sentiment d’horreur est permanent, parce que des voiles, on en voit partout. Chaque seconde. Comme si toutes les Musulmanes de cette ville avaient une fois pour toutes intégré le fait qu’elles sont inférieures, qu’elles sont impudiques, qu’elles ont quelque chose à cacher — leurs cheveux, en l’occurrence, symboles, paraît-il, d’une toison secrète que l’on n’exhibe pas : il faut être singulièrement taré pour voir dans ces « toisons moutonnant jusque sur l’encolure », comme dit le poète, un rappel des boulettes pubiennes, qui d’ailleurs, ces temps-ci, n’existent plus qu’à l’état de traces ou de tickets de métro.
Alors, oui, j’appelle solennellement les Musulmanes de France (la France, hé, les filles, vous savez, Liberté, Egalité, Sensualité) à mettre à la poubelle, sur la voie publique, toutes leurs chaînes. Brûlez les voiles ! Dépouillez-vous de ce harnachement imbécile.
Et ne venez pas me dire que c’est votre choix, comme dans cette lointaine émission d’Evelyne Thomas. Ce qui est systématique, ce qui est imposé, ne peut jamais être un choix — ou alors, au sens où l’esclave choisit ses chaînes. Inutile de vous expliquer ce qu’est l’aliénation, j’imagine. Vous êtes enfermées, cloîtrées là-dessous comme des esclaves médiévales. Attendez de voyager en Arabie Saoudite — à Rome, il faut faire comme les Romains, et à la Mecque comme les wahabbites. Mais ici ! Il fait déjà 25° dans la journée, et vous vous enfouissez sous des voiles ? Vous êtes cinglées.
Oui, brûlez vos voiles. Jetez-les. Faites-les disparaître. Proposez à vos hommes de les porter, pour changer — après tout, eux aussi ont des cheveux — et des barbes — qui pourraient évoquer des toisons pubiennes bouclées. Ce serait drôle qu’au nom d’une pseudo-pudeur, tous ces grands obsédés portent des voiles sur la tête. Ça les changerait des casquettes de base-ball.
Mais justement ils ne le font pas. Les voiles, c’est bon pour les nanas. Eux s’en vont tête libre.
Et c’est bien de liberté qu’il s’agit. La liberté d’être libre, et de ne pas s’engloutir sous des oripeaux funèbres. La liberté d’aller cheveux au vent — et de leur dire merde si jamais ils vous font une réflexion. Une femme vaut un homme, vous savez. Et si jamais une religion dit le contraire, eh bien, elle ment. Parce qu’au fond, ce n’est qu’une affaire de pouvoir. « Du côté de la barbe est la toute-puissance » — c’est ce que Molière fait dire à un triste imbécile cocu avant d’être marié. Et c’est bien tout ce qu’il(s) mérite(nt).

Jean-Paul Brighelli

Les féministes sont islamophobes — paraît-il…

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J’ai travaillé dans les années 1970 avec des féministes, des vraies, qui militaient par exemple pour la liberté de l’avortement et de la contraception, ou l’égalité des salaires. La plupart d’entre elles — les « Gouines rouges », grand moment — étaient de coloration marxiste, et « l’opium du peuple » n’était pas leur tasse de thé : partant du principe que les religions monothéistes n’ont finalement été inventées que pour asservir la femme, elles considéraient leurs consœurs non libérées comme de pauvres esclaves. Comme dit la marquise de Merteuil dans la lettre LXXXI des Liaisons : « Mais moi, qu’ai-je de commun avec ces femmes inconsidérées ? »
C’était l’époque (1973) où Claude Alzon (c’est un homme — nos féministes modernes déjà le récuseraient) sortait chez Maspéro la Femme potiche et la femme bonniche — les deux destins auxquels la société mâle capitaliste — je résume — assigne les donzelles…
Je préfère ne pas imaginer ce que ces militantes auraient pensé des Musulmanes aliénées derrière leur voile par une conspiration de petits mecs si crispés sur leur pouvoir qu’ils préfèrent dissimuler la chair qui leur appartient — disent-ils — derrière des barrières. Le voile, c’est le mur du harem portatif. J’ai toujours eu un doute sur la sexualité de gens qui sont si peu sûrs d’eux qu’ils enferment leurs filles et leurs femmes ou les font garder par des eunuques. P’tits mecs !
« Aliénées » est vraiment le mot juste : on en fait des aliens. Des monstres. Des créatures de foire. Regardez ma femme, regardez ma sœur, comme elle est vertueuse. C’est l’expression majuscule du pouvoir mâle dans ce qu’il a de plus caricatural. Fondamentalistes de toutes les religions, unissez-vous — et encore une fois, utilisez les nanas pour exprimer votre obsession du contrôle.
Et qu’on ne vienne pas me dire que « c’est leur choix », comme chez Evelyne Thomas. On le leur serine depuis l’enfance : tu es impure quelques jours par moi, tu es inférieure par essence, et tu es une tentation luxurieuse pour tous ces types qui apparemment n’existent que dans l’esthétique du viol.

Mais voici que des féministes défendent désormais le voile ! Si ! Christine Delphy, qui n’est pourtant pas tombée de la dernière pluie (elle a 74 ans, et a participé à toutes les luttes du « féminisme matérialiste » — mais voilà : elle est sociologue), qui a jadis dénoncé dans l’Ennemi principal le travail non payé auquel le patriarcat oblige les femmes, vient de se fendre d’un article hallucinant dans le Guardian, dans lequel elle explique que les féministes devraient soutenir les femmes voilées, en butte à l’oppression… de l’Etat français, qui les empêche d’exprimer leur fanatisme et leurs superstitions dans les salles de classe. « La première loi ouvertement islamophobe a été votée en 2004, en interdisant l’école aux filles portant un voile, sur la certitude que les « signes religieux » sont contraires à la laïcité — le sécularisme politique », écrit-elle.
Au passage, on remarquera qu’elle est obligée de mettre le mot « laïcité » en italique : il n’y a pas d’équivalent anglais. C’est une spécificité française, et quiconque vit ici doit le savoir : la laïcité est au cœur de la loi républicaine — même si la Gauche l’a abandonnée en rase campagne, comme l’explique fort bien Elisabeth Badinter. Et la loi de 1905, sur laquelle s’appuient les petits chevaux de Troie de l’islamisme pour parader vêtues des signes ostensibles de leur soumission (au prophète, au mari, au grand frère — tous des symboles mâles), doit d’urgence être sérieusement toilettée : la totalité de l’espace public doit, très vite, être interdit de manifestations religieuses. Ou alors, on renonce à la citoyenneté, et à ce qui en découle. Les Carmélites s’enferment dans des couvents, fort bien, elles sont en accord avec leur foi. Elles ne viennent pas exhiber leurs cornettes sur la place publique.
Delphy va plus loin. « Comme Saïd Bouamama (1) l’a écrit en 2004, la version française de l’islamophobie, sous prétexte d’être un sécularisme politique, n’est qu’une tentative pour rendre le racisme respectable. » Et pire, d’après elle : « Les groupes féministes établis en France n’acceptent pas les femmes voilées dans leurs réunions. » Encore heureux !
Passons sur le fait que l’islam, apparemment, est confiné à certaines « races » (quid est ?). Mais qu’il puisse être question d’accueillir parmi des femmes libres et responsables des créatures qui sont des pions manipulées par des fondamentalistes animés de projets politiques de domination — à commencer par la domination de l’homme sur la femme —, c’est très fort.
Des féministes françaises n’ont d’ailleurs pas tardé à répondre vertement à notre virago — ah, c’est pas bô de vieillir ! Et d’une façon catégorique. Elles ne sont donc pas toutes devenues folles, et Rokhaya Diallo, qui s’est fabriqué une compétence, faute de mieux, en défendant les filles voilées — contre Fadela Amara, qui a pris position sans équivoque contre ce signe immonde de la domination des barbus — n’est pas forcément la voix de la majorité.
Il devient urgent d’interdire le voile sur tout l’espace public. Si elles ont envie de le porter chez elles, grand bien leur fasse — il y a des soumises, dans les jeux SM, qui portent des chaînes, et cela ne regarde personne. Mais qu’elles ne viennent pas sur la place publique afficher leur aliénation : depuis plus de deux cents ans que les femmes se battent pour être les égales des hommes, un tel retour en arrière est une injure inacceptable à la « cause des femmes », comme disait Gisèle Halimi, à qui on n’aurait pas fait avaler ça, tiens !

Jean-Paul Brighelli

(1) Autre sociologue, algérien de passeport, militant de gauche, proche du PC, rédacteur de Oumma.fr, le site fondamentaliste qui m’aime, il a protesté contre le soutien à Charlie en 2011, après un premier attentat, et a renvoyé aux « racistes » la responsabilité des tueries de janvier : « Si l’attentat contre Charlie Hebdo est condamnable, il est hors de question cependant d’oublier le rôle qu’a joué cet hebdomadaire dans la constitution du climat islamophobe d’aujourd’hui » — voir ici.. Pour l’anecdote, Bouamama a été soupçonné d’appuyer le discours de Dieudonné.

Au Bar de la Marine

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« Qu’il fasse beau, qu’il fasse laid », c’est mon habitude d’aller sur les sept heures du matin au Bar de la Marine, quai de Rive-Neuve.
J’entends d’ici les ricanements des imbéciles. « Ah oui, il affiche ainsi ses sympathies pour la patronne du FN… » La Marine — oui-da !
Ne perdons pas patience trop vite, après tout, je suis un pédagogue et mon boulot c’est d’instruire les ignorants. Le Bar de la Marine est installé juste en face du « ferry-boate », à l’emplacement du « Bar de la marine » où Pagnol situe l’action de la trilogie Marius / Fanny / César. Et c’est le premier bar ouvert le matin sur le quai.
J’y bois un café et j’y discute avec les habitués du tout petit matin, marins momentanément à terre, videurs de la boîte (le Trolleybus) sise cinquante mètres plus loin, barman affable, tout un petit peuple de gens réels — ceux que les politiques ignorent, puisqu’on leur sert le café et les croissants à domicile.
Et Jean-Michel V***, avec qui je dépouille la Provence du jour, fournie gracieusement avec le petit noir.

La conversation roulait sur la polémique lancée par Marion Maréchal sur le déremboursement de l’IVG.- Celle-là, me dit-il, elle est blonde même à l’intérieur de sa tête !
- Allons, allons ! Vous avez voté pour elle aux dernières régionales !
- J’ai voté contre les autres ! Et il se trouve qu’elle était tête de liste du FN. J’aurais préféré Philippot…
- Bah, elle a le droit d’avoir des convictions religieuses…
- Tu parles ! Ça ne l’a pas empêchée de divorcer !
- J’ignorais, dis-je. Mais ce que les gens font de leur ventre…
- Justement ! Je me fiche pas mal de savoir ce qu’elle en fait — je ne suis pas du genre à me palucher en pensant à elle. Elle peut au moins admettre que les nanas sont les premières concernées par les processus de mitose interne.
(Ai-je dit qu’il travaille dans l’industrie pharmaceutique — tout en étant dans ses temps de loisir moniteur de plongée, ce qui lui permet d’avoir une connaissance extensive de toutes les épaves de la rade de Marseille et des poissons qui fréquentent les calanques et les îles ?)
- Ça ! Je suis un peu plus vieux que vous, j’ai un souvenir très net du procès de Bobigny, qui a marqué la fin, pratiquement, des poursuites engagées contre les avortées et les avorteuses… La loi Veil en découle.
- Tout à fait — sans compter le Manifeste des 343 salopes
- Vous savez pas ? Les féministes actuelles trouvent que ce mot « salope » est péjoratif…
- Putain ! Comprennent rien. Qu’est-ce que vous leur apprenez, en classe ?
- Ben rien, justement. En tout cas, pas le second degré.
- Tout à fait. Je vois ma fille… Ah, à propos : hier, scène du genre « je voudrais le super blouson canadien hyper chaud pour pouvoir sortir en tee-shirt — 700 euros, quand même ! Je lui ai dit qu’elle aurait le modèle en dessous, et qu’elle mettrait un sweat.
- Ils fonctionnent à la sape, dis-je. Société du spectacle.
- C’est pour ça que je suis favorable à l’uniforme, en classe. Un truc décent, joli, pratique. Après tout, dans les lycées hôteliers, ils sont en uniforme dès le matin, et ça n’enquiquine personne. Juste un entraînement à des situations professionnelles.
- Alors, Marion…
- Elle est jeune, me dit cet homme de bien avec indulgence. Elle n’a pas appris les nuances. L’IVG, ce n’est pas négociable — trop de gentilles filles y sont restées, dans le temps, trop de gentilles filles sont encore obligées d’aller se faire avorter en Catalogne…
- De mon temps, c’était en Angleterre…
- Quand on avait les moyens ! Sinon, c’était la table de la cuisine et les aiguilles à tricoter, septicémie et curetage. Mais on ne sait pas ça, quand on a usé ses jolies culottes sur les bancs des boîtes privées de Saint-Cloud.
- Bien critique ce matin ! Vous allez revoter pour eux, pourtant.
- Bien obligé ! La Gauche me révulse. Menucci ! Comment voter Menucci ! Et il soutient Peillon ! Tous des rats !
- Il y a Mélenchon…
- Paraît qu’il est « végan », comme ils disent, ces cons. Je ne voterai jamais pour un type qui récuse la côte de bœuf et le figatelli. C’est un truc de bourgeois gavé, ça, le végétarisme. Comme l’autre con — comment s’appelait-il déjà, chez Ruquier…
- Ah, Aymeric Caron !
- Tête à claques ! Bobo parisien ! Nourri au tofu ! Rien à voir avec la France réelle.
- La France réelle, dis-je, elle gagne en moyenne 1500 euros par mois et elle a un régime super varié, spaghetti, riz, patates ! Ça se voit : la France réelle, elle est obèse — et en plus elle en crève.
- Tout à fait — 1500 euros ! Et comme les joueurs de foot en gagnent en moyenne 50 000 (c’était la nouvelle du jour dans le journal), ça veut dire qu’il y a un paquet de pauvres mecs qui ont le pain quotidien vachement hebdomadaire ! C’est à eux que devrait s’adresser Marine !
- Les petits…
- Les obscurs, les sans grade ! Les petits paysans qui se suicident parce que l’Europe de la FNSEA et des centrales d’achat ne leur permet plus de joindre les deux bouts. Les petits retraités qui bientôt se pendront comme les retraités grecs ! D’ailleurs, à propos des retraites…
- Oui ?
- Je travaille depuis que j’ai 16 ans. Quand j’ai commencé, c’était la retraite à 60 ans — et même avant, pour certains. Et voilà qu’ils reculent la date — et que leurs décisions sont rétroactives ! À ce rythme, quand je pourrai la prendre, la retraite, cela fera plus de cinquante ans que je bosserai — et pour trois clopinettes qui bientôt seront deux. Ceux-là aussi, ils ont le droit de se faire entendre. La Droite traditionnelle parle déjà de baisser les retraites… Mais ils n’auront aucun souci, tous, avec leurs retraites pleines de ministres / députés / maires et j’en passe. Cumulards !
- Faut faire des économies, qu’ils disent…
- Qu’ils disent !
- Marine a bien proposé de sucrer la gratuité de l’école pour les migrants…
- C’est une grosse connerie ! On s’en fiche qu’ils soient migrants — la ville en est pleine, mon grand-père l’était aussi, le vôtre également. Ce qui compte, c’est qu’ils s’intègrent — et ils ne s’intègreront que par l’école. Alors, si on les en prive, si on les rejette, ils s’adresseront au premier imam à la con qui leur vendra l’alphabétisation et le jihad en même temps. Ce n’est pas la couleur de la peau, ni même la religion qui me gêne : c’est le communautarisme.
- Les voiles et les burkas, et tous ces barbus à la con…
- Tout à fait ! Ce qui compte, c’est la république. Et aujourd’hui, il n’y a plus que le peuple qui soit le dernier rempart. Ce n’est pas du populisme de dire ça, non ? Oui, le dernier rempart avant l’émeute.
- On se reprend un café ? suggérai-je. Ça m’a assoiffé de vous écouter, alors, vous !
- Je voudrais bien, mais il faut que j’y aille — je bosse, je ne suis pas un enseignant pour glander dans les troquets.
Il a eu un sourire pour bien marquer qu’il plaisantait — mais j’avais compris, je ne suis pas une féministe moderne, moi. Au revoir jusqu’à demain.

Jean-Paul Brighelli

Pendez les cinéastes octogénaires !

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Capture d’écran 2018-01-22 à 11.19.56Il y eut Polanski — et à en croire les féministes enragées, ce n’est pas fini : elles veulent toujours sa peau alors que la principale intéressée, Samantha Geimer, qui vient de signer d’ailleurs la pétition réclamant pour les femmes le droit d’être draguées, demande elle-même qu’on lui fiche la paix avec cette vieille histoire. Puis Woody Allen, qui aurait tripatouillé sa fille adoptive, Dylan, quand elle avait 7 ans (pas avant ? Vous êtes sûres, mesdames ?).
Dylan Allen a publié une lettre d’accusation il y a quatre ans, lors de la remise du Golden Globe Life Achievement Award à Woody Allen. Comme le remarque le journaliste Nicolas Kristof, les accusations contre le cinéaste remontent à 1993 — au moment où Woody Allen et Mia Farrow se séparaient avec une certaine acrimonie : elles ont été explorées par la justice américaine, qui est rarement complaisante (ne serait-ce qu’en fonction de la publicité qu’un procureur pourrait en tirer — voir DSK ou justement Polanski), et ladite justice n’a rien trouvé à poursuivre.
Rappelons que dans le droit des pays démocratiques, c’est à l’accusation de faire la preuve — et que les dires d’une gamine de sept ans manipulée par sa mère n’en constituent pas une. Oui — mais elle en a aujourd’hui plus de trente, elle doit bien savoir…
Pas même : diverses affaires arrivées en justice ont mis en évidence le phénomène des « souvenirs inventés », greffés dans la mémoire d’une personne fragile par un psy ambitieux ou un parent aigri. Y compris de faux souvenirs d’inceste. On peut de bonne foi raconter d’invraisemblables calembredaines. Les flics, qui savent que des innocents s’accusent parfois de meurtres qu’ils n’ont pas commis, prennent d’ailleurs ces accusations avec des pincettes — surtout des décennies après les faits.
« Oui, mais alors, comment distinguer de vraies horreurs de suspicions imaginaires ? Et de réels harcèlements devront-ils rester impunis ? »

Certaines féministes en arrivent aujourd’hui à suggérer que ce soit à l’accusé de faire la preuve qu’il n’est pas coupable. Excès de zèle, méconnaissance du Droit ? Pas même : leur objectif est bien de ramener l’homme dans la cage qu’il n’aurait jamais dû quitter. La castration ou la mort. « Mon dieu, délivrez-nous du mâle. Et tant qu’à faire, obligeons-les à devenir végans : peut-être avec le temps l’absorption quotidienne de jus de navet rendra-t-elle impossible les turgescences suspectes dont ils nous menacent… » Bref, pendons les hommes !
Ah mince, cela ne fera qu’accroître la fatale turgescence…pendu-en--rectionEffet collatéral inattendu, les hommes qui menacent vraiment l’intégrité des femmes — en les obligeant à s’habiller comme ci et à se comporter comme ça, en refusant de s’asseoir à côté d’elles à l’école, ou de prendre un volant qu’elles ont contaminé par le seul fait de l’avoir tenu —, ceux-là ne sont pas dans le collimateur des chiennes de garde et de mégarde.
Les cinéastes octogénaires, en revanche… Les mâles blancs dominateurs et sûrs d’eux… Les Occidentaux ex-colonialistes… Ah, tous ces Hercule de pacotille à qui nos modernes Omphales vont tirer l’oreille…47949743.parisaug05557Non seulement les castratrices de service, à force de se vouloir toutes victimes, passent désormais pour des demeurées, ce qui ne rend guère service aux femmes qu’elles croient protéger, mais elles défendent curieusement une idée de la vertu que l’on pensait enterrée depuis la mort de Tante Yvonne, qui sous De Gaulle surveillait la bienséance française — une censure préalable qui avait volé en éclats après 1968. Il y a bien d’autres chantiers que ceux de nos nouvelles Ligues de vertu : l’égalité des salaires, la fin des violences conjugales (dans tous les sens : 123 femmes sont mortes l’année dernière sous les coups de leurs compagnons, mais entre 25 et 30 hommes succombent chaque année aux sévices de leurs compagnes, ça fait 150 morts de trop), une politique d’incitation scolaire à oser toutes les carrières (même si ces dernières années les femmes ont envahi massivement le Droit et la Médecine — et les études vétérinaires — après avoir déferlé sur les secteurs de sciences humaines, au point que 80% des profs de Lettres et de Langues sont aujourd’hui des femmes), elles sont encore sous-représentées dans les carrières scientifiques, alors même qu’elles réussissent mieux que les garçons). Là, il y a du boulot.
Ou encore, en demandant l’interdiction d’une foultitude de sites pornographiques qui proposent de la femme une image stéréotypée, dégradante et surtout incitative à des harcèlements en série : je ne saurais trop vous recommander la série « Punished for stealing porn vidéo » (3 660 000 liens…), où des vigiles de supermarché violent des malheureuses suspectées d’avoir piqué de la marchandise, ou « Boss fucks secretary » (23 400 000 entrées…), qui n’a besoin d’aucun commentaire — deux scénarii d’une sophistication suprême.

Mais l’urgence ne réside pas dans la vengeance post-rupture d’épouses acariâtres — et Mia Farrow s’y connaît, dans le genre. Elle ne réside pas dans l’hypocrisie d’acteurs déclarant, après coup, qu’il leur a répugné de jouer pour Woody Allen, et que leur cachet ira à des organismes de protection des femmes battues : Thimotee Chalamet en Tartuffe, ça lui ira comme un gant. Elle ne réside pas dans la justification de promotions-canapé dont on tâche de se convaincre, a posteriori, qu’elles ont été extorquées — ni dans la dénonciation de propos un peu lestes ou carrément balourds dont on assure que 15 ans plus tard, on ne s’est toujours pas remise — un excellent prétexte pour faire parler de soi.

J’aime la marquise de Merteuil ou la Juliette de Sade — pas cette bande de tourterelles effarouchées qui crient au loup pour oublier que ce sont elles qui l’ont tiré par la queue. Qu’une foule d’hommes aient besoin de se faire remettre à leur place, je l’admets. Qu’un certain nombre aient eu des comportements criminels, j’en suis convaincu. Que des femmes s’en soient senties gênées, voire traumatisées, c’est certain. Mais que la simple qualité d’homme fasse de tous les parangons de virilité des suspects ordinaires, et qu’il faille leur donner la chasse, comme jadis Penthée fuyant les Ménades,penthee_menadesvoire les dépecer vivants, comme les mêmes l’expliquèrent un jour au malheureux Orphée,5249341229_e7e722d309_b voilà qui me donne à penser que cette civilisation court sur une pente fatale où les rapports homme / femme, à défaut d’être normalisés, seront psychiatrisés ou judiciarisés — et tout le monde y perdra. À commencer par le féminisme, complètement dévoyé — et ridiculisé — par les surenchères de quelques castratrices qui qui devraient se pencher davantage sur le sort des petites filles excisées de nos jours en France — 60 000 par an, à en croire les associations spécialisées.

Alors lâchez les baskets de Polanski, Allen ou Spacey — pour des faits qui en France seraient couverts, et au-delà, par la prescription la plus sévère — 20 ans pour un crime. Et cessez d’identifier chaque homme comme un violeur en puissance, si vous ne voulez pas que de mauvaises langues trouvent bientôt que cette obsession ressemble fort, au choix, à un désir ou à un dépit.

Jean-Paul Brighelli

Pendez Molière ! Pendez Picasso ! Pendez-les tous !

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« Il me plaît d’être battue », réplique Martine, l’épouse de Sganarelle, à ce Mr. Robert, noble ami des bêtes et des dames en détresse qui tentait de s’interposer dans les querelles du couple. Comment ? Molière, vous êtes sûr ? Celui même qui a écrit l’Ecole des femmes ? Eh bien oui : au XVIIème siècle, les maris battent leurs femmes (et leurs enfants, et leurs valets — voir les Fourberies de Scapin), et à la rigueur les épouses et les valets s’en vengent. Mœurs infâmes ! Et on ose étudier le Médecin malgré lui en Sixième ?

Interdisons Molière ! Ou tout au moins faisons disparaître les scènes les plus choquantes pour notre bon goût contemporain. Après tout, les éditions de Dom Juan parues sous Pétain sucrent la fameuse scène du Pauvre, où le grand seigneur méchant homme incite un malheureux à blasphémer. Et blasphémer, ce n’est pas bien, pensaient Pétain et les étudiants du syndicat Solidaires qui ont tout récemment tenté de faire interdire la lecture, à Paris-VII et à Valenciennes, du dernier écrit de Charb, Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes, rédigé juste avant que le dessinateur de Charlie ne ferme définitivement… Quant aux autorités universitaires qui ont toléré la représentation à la condition expresse qu’aucune publicité ne soit faite à l’événement, on les applaudit bien fort.

La grande vague puritaine initiée par l’affaire Weinstein (à propos, il est inculpé, ou tout ça, c’est du bidon ?) étend ses tentacules sur le monde de l’art et de la littérature. La Manchester Art Gallery vient de décrocher une toile pré-raphaélite de John William Waterhouse Waterhouse Hylas et les nympheset a remplacé in situ l’œuvre d’art par le mémo suivant :
« Cette galerie présente le corps des femmes soit en tant que « forme passive décorative » soit en tant que « femme fatale ». Remettons en cause ce fantasme victorien!
Cette galerie existe dans un monde traversé par des questions de genre, de race, de sexualité et de classe qui nous affectent tous. Comment les œuvres d’art peuvent-elles nous parler d’une façon plus contemporaine et pertinente? »DUymo8pW4AYEEEf.jpg-smallEn incitant les gens à donner leur avis par post-it (je dois à la vérité de dire que la plupart condamnent cette censure d’une stupidité abyssale). Sûr que la cause des femmes, comme disait Gisèle Halimi autrefois, est bien défendue dans ce musée.

Le révisionnisme féministe ne sait plus où donner de la tête. Le grand photographe américain Chuck Close09_chuck_close_georgia_pulp-paper_collage_on_canvas_1982.jpg__1223x1524_q85_crop_subsampling-2_upscale est accusé lui aussi de « comportements inappropriés ». Ah ah, grande nouvelle, les photographes couchent parfois avec leurs modèles ! (Je ris, mais on a poussé le malheureux David Hamilton au suicide avec ce genre de « révélations »). Du coup, une rétrospective de son œuvre qui devait se tenir à la National Gallery of Arts a été annulée. Et des femmes suggèrent désormais de réévaluer sérieusement l’œuvre de Picasso : qu’attend le musée parisien consacré au peintre pour décrocher ses portraits de Dora Maar, « la femme qui pleure » non sans raison ?4a230426910ed9df299602998d7549ee--picasso-drawing-picasso-cubism De brûler les toiles d’Egon Schiele  (ce ne sera jamais que la deuxième fois, les nazis, grands défenseurs de la morale, avaient fort bien commencé le boulot) puisqu’il a violé une adolescente qui posait pour lui.gustav-klimt-lithographies-150eme-anniversaire-7- Ah ah, il arrive donc que des peintres couchent avec leur modèle ? Comment le croire ? Et d’interdire le Dernier tango à Paris, puisque Bertolucci n’a pas explicitement prévenu Maria Schneider de ce que Marlon Brando allait faire, dans l’infamous sex scene, de sa plaquette de beurre.8e8f3e02442513d7633dEt peu importe que Chuck Close ait affirmé que les allégations de harcèlement étaient des mensonges. A lui désormais de faire la preuve qu’il n’est pas un harceleur.

Je tiens à la disposition de ces dames une liste (non limitative) de chefs d’œuvre de la littérature et des arts. Par exemple les Liaisons dangereuses, où une scène décisive entre Valmont et cette crétine de Cécile Volanges s’apparente désormais à un viol — et qu’importe à nos censeurs modernes si la jeune fille initiée par le vicomte avoue : « Sûrement, je n’aime pas M. de Valmont, bien au contraire ; et il y avait des moments où j’étais comme si je l’aimais. » Ciel ! La psychologie féminine serait-elle plus compliquée que ce que croient nos modernes amazones ? « Mais c’est un homme qui parle, bla-bla-bla… » Certes — mais on doit à Laclos les plus beaux textes féministes de toute la littérature (le Discours sur l’éducation des femmes — ou la lettre 81 des Liaisons). Ah, c’est compliqué, d’être dans le camp du Bien !

Sérieusement, ces dames seraient lancées dans un concours ? Ou les temps seraient-ils au fascisme rampant ? On persiste à poursuivre Polanski, on croit sur parole les allégations de Dylan Farrow (que son propre frère, Moses, qualifie d’affabulations), on efface l’image de Kevin Spacey du film qu’il venait de tourner, comme on supprimait autrefois sur les photos officielles, à l’époque de Beria et Staline réunis, les membres du Politburo tombés en disgrâce. Et on interdit la drague, le charme, la séduction — de toute évidence, une femme a besoin d’un homme comme un poisson d’une bicyclette, disaient mes copines du MLF tendance Gouines rouges.
Nous vivons des temps de grande folie, et ça ne va pas s’arranger. La chasse à l’homme est lancée.

Jean-Paul Brighelli


Faites-vous mal, lisez le Nouveau Magazine Littéraire !

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Ma vie littéraire a longtemps été bercée par le Magazine du même nom. J’y ai été longtemps abonné, j’avais conservé religieusement certains numéros exemplaires — avant qu’une inondation ne les gâche irrémédiablement. Et le papier imprimé retourna à la pulpe…
Formule gagnante : un dossier, le plus souvent remarquable, sur un auteur consacré ou un mouvement littéraire, et des articles intelligents sur ce qui venait de paraître. Ajoutez à cela une lecture diagonale des titres offerts par votre libraire, et vous avez trouvé la formule du Comment parler des livres que l’on n’a pas lus chère à Pierre Bayard — indispensable, Bayard.Bayard Vous dire comme j’ai bondi d’espoir quand j’ai trouvé il y a quelques jours dans un kiosque le Nouveau Magazine Littéraire. D’instinct, j’ai acheté les trois numéros parus, de janvier à mars.
Erreur fatale. « L’espoir, vaincu, pleure… »
J’ai rarement lu autant d’âneries en si peu de pages.
Résumé malheureusement objectif, en commençant par le numéro de janvier.nml1

J’aurais dû me méfier : un mensuel qui offre pour fêter le début de l’année quatre pages à Najat Vallaud-Belkacem (elle hésitait encore à l’époque entre la direction — rémunérée — du PS et une vie dans l’édition) pour faire sa pub aurait dû m’être suspect. Suivi d’un article de Cécile Alduy sur la Droite où la « chercheuse associée au CEVIPOF » affirme — à propos de Wauquiez  : « Il est l’homme qu’on ne pourra pas faire taire, celui qui lève « l’omerta ». Comme si Elisabeth Levy, Alain Finkielkraut, Pascal Brückner, Eric Zemmour, Natacha Polony ou Valeurs actuelles ne saturaient pas déjà les ondes et les librairies des mêmes refrains. » Ah, comme c’est doux à l’oreille, ces listes de futures proscriptions… L’époque est à la balance.
C’est curieux, quand même, que cette Gauche bobo qui se cherche des idées n’en trouve que dans l’exécration. En fait, elle est exactement sur les positions de Drumont, de Barrès et de Brunetière (qui a inventé le mot « intellectuel » pour désigner Zola et ses amis), anti-dreyfusards notoires.
Ciel ! L’antisémitisme ne serait-il décidément pas là où l’on voudrait, par habitude, le chercher ?
En clair, la droite ne serait-elle pas, en ce moment, à gauche ? Et vice versa, forcément…
Comme je tiens à être exhaustif et objectif, ce même numéro héberge un excellent article de Marc Wiezmann sur les dérives de la famille Merah, à partir d’enregistrements effectués à Fresnes des conversations entre Abdelkader Merah (le frère de Mohamed de sinistre mémoire) et sa mère. Tout à fait glaçant — et attendu en même temps. Les chiens font des chiens.

NouveauMagazineLitteraire_07952_02_1802_1802_180131_FemmesRevolution_CouvertureEn février, rebelote. Numéro spécial femmes. « D’Antigone à #MeToo », clame la couverture. Pauvre Antigone — et surtout, pauvre Créon.
Passons (on passe beaucoup, à lire le Nouveau Magazine Littéraire) sur les imprécations féministes d’Elsa Dorlin, qui assène trois pages durant tous les clichés machos qu’elle a pu trouver dans son inconscient torturé — elle qui est travaillée d’une « rage emmurée » qui fait bien entendu penser à la fin d’Antigone, à qui est consacré un long dossier dans lequel on lit finalement un nombre sidérant d’absurdités.
« De quoi est-elle le nom ? » se demande Sarah Chiche, qui a coordonné le dossier. « Une héroïne de notre temps », en butte à un monde d’hommes (Œdipe, Etéocle, Polynice, Hémon et Créon pour finir). Il n’y a guère que l’article un tant soit peu érudit de Daniel Loayza, le seul à distinguer ce qui est du ressort de la loi familiale (philia) et de la loi civile (andres — forcément, seuls les hommes votaient, à Athènes), et à dire en filigrane qu’Antigone est une figure de la réaction, de la tradition, du mythe contre l’Histoire. Etonnez-vous qu’entre le XVIIème et le XVIIIème on se soit tant intéressé à cette histoire — merci à Christian Biet, même s’il ne m’aime plus, pour les recherches érudites qu’il fit en son temps sur les diverses versions d’Œdipe.Biet Le mythe, c’est ce qui refuse l’entrée des hommes (et des femmes) dans le processus historique. Fils et filles — tenants de la tradition — contre le père, représentant de l’Etat : c’est ainsi que Rostam a défait Sourab dans la légende iranienne. Et que Créon élimine Antigone : il a cent fois raison. Cette gamine en pleine crise adolescente est réactionnaire au sens plein, et Créon a lu Gabriel Naudé et ses Considérations politiques sur le coup d’Etat (1640). product_9782070772759_195x320

Créon, oui — mais pas Kaouther Adimi, à qui son professeur de Français demandait : « Qui sont vos Antigone ? » Ma foi, j’espère que ce n’est plus personne — du moins si l’on tient à une analyse politique, et non aux imprécations stériles de pétroleuses perturbées par l’acné juvénile.

Mais quand même, dans ce numéro, la palme du crétinisme revient à ma consœur Sophie Rabau, enseignante à Paris-III, qui suggère de traquer dans la littérature toutes les traces de viol antérieures aux histoires que racontent les œuvres. Si. Médée ? Violée — c’est pour ça qu’elle cède à Jason. Ne cèdent sans doute que des femmes pré-violées, particulièrement à des héros favorisées par diverses déesses. Nausicaa ? Violée itou — par Ulysse, aussi désemparé soit-il quand il aborde les côtes phéacienne. Mélisande ? Violée — c’est pour ça qu’on la prend aux cheveux sans doute… Et Manon Lescaut, et la Célimène du Misanthrope, toutes violées antérieurement…
Et Carmen, dont Leo Muscato, à Florence, a revisité l’opéra avec le succès que l’on sait ? Violée aussi — chez les Gitans, hein…Carmen Fatalitas ! Le public — composé exclusivement de mâles machos — a hué la pièce, et Carmen n’est même pas arrivée à tuer Don José. Son pistolet s’est enrayé, comme aurait dit Freud.
Madame Rabau sait-elle que ce sont des fictions ? Des personnages qui n’ont de chair que de papier ? Et que non, Homère n’a rien « oublié » ! Ah, mais puisque Caroline De Haas, grande prêtresse du féminisme 2.0, a dit que deux hommes sur trois étaient à peu près des violeurs…
Et notre universitaire (auteur d’une Carmen comme « figure queer » — pourquoi diable se gêner, Mérimée ne portera plus plainte) de suggérer qu’une « action collective des lecteurs lectrices et personnages mette au jour la violence enfouie dans les pages de la littérature mondiale ». En attendant sans doute de les réécrire, comme dans le roman de Patrice Jean, l’Homme surnuméraire, évoqué ici.
Je suggère aux féministes enragées du Nouveau Magazine Littéraire de se pencher plutôt sur les vrais machos — ceux de Boko Haram, ceux de Daesh, ceux de Hambourg ou de Cologne, et ceux de la rue des Petites Maries, à Marseille — où l’on ne croise jamais aucune femme.
Mais non, les féministes ces temps-ci préfèrent s’en prendre à des producteurs hollywoodiens juifs, ou des cinéastes juifs — sidérante reconstruction dans le New York Times, il y a quelques jours, d’un film-culte de Woody Allen, Manhattan, que désormais les femmes ne peuvent regarder sans avoir envie de vomir — sic.
Le féminisme nouveau, comme le Magazine Littéraire du même nom, est un nouveau révisionnisme. Heureusement que Nabokov est mort, qui sait ce que ces dames feraient subir à l’auteur de Lolita ?

Restait Mars. Cerise sur la gâteau.NouveauMagazineLitteraire_07952_03_1803_1803_1802281_Mai68_Couverture Que Daniel Cohn-Bendit, macroniste enthousiaste, vendu aux puissances européennes, amateur de foot après l’avoir été des jolies étudiantes de Nanterre, crache sur Mai 68 qui a fait de lui quelque chose et même en un sens quelqu’un, cela pourrait passer pour de l’iconoclastie. Passe encore — d’autant qu’un article un peu plus cohérent sur Michel Le Bris (« Etonnants voyageurs », à Saint-Malo, c’est lui) remet du sens dans l’Histoire. Que l’on nous explique le parcours d’un ex-détenu de Guantanamo arrêté peut-être un peu vite par les Américains, admettons — mais là j’ai commencé à les voir venir, mes beaux anti-fascistes de salon —, OK. Que l’on affirme que « Bourdieu nous manque », soit — même si je n’ai jamais pardonné au théoricien des « violences symboliques » d’avoir co-écrit le rapport qui inspira à Lionel Jospin, en 1989, la loi qui porte son nom et entérina l’apocalypse molle qui a frappé l’Ecole de la République.
Mais il y a aussi un article de Claude Askolovitch sur l’affaire Maurras.
Retour en arrière. Le comité des célébrations (présidé par mon amie Danielle Sallenave, qui fut jadis ma prof à Nanterre, et animé entre autres par Pascal Ory, Jean-Noël Jeanneney et Claude Gauvard, dont chaque petit doigt vaut davantage que toute l’importante personne d’Askolovitch-qui-n’aime-pas-le-camembert-au-lait-cru-ça-lui-rappelle-Pétain) avait inscrit sur le livre des commémorations à venir le nom de Maurras. Foudres chez Françoise Nyssen, qui a ordonné la mise au pilon de l’ouvrage, et sa réédition après purgation du nom de l’antisémite honni. Et convoqué tout ce beau monde pour lui taper sur les doigts. Sallenave, qui a exprimé parfois des choses assez fortes et bien pensées (par exemple dans le Don des morts, 1991, ou dans dieu.com, 2003), ne s’en remettra pas. De toute façon elle est éditée par Gallimard, pas par Actes-Sud.
De Maurras, je ne partage aucune idée, comme c’est le cas aussi de Céline, qui est quand même avec Proust le plus grand écrivain du XXème siècle, n’en déplaise aux imbéciles qui poussèrent Frédéric Mitterrand, en 2011, à effectuer la même opération et à effacer l’auteur du Voyage et de Mort à Crédit des commémorations de l’année.
Commémorer, ce n’est en rien célébrer. Mais c’est une distinction trop byzantine pour Asko. Mettant dans le même sac le malheureux Michel Déon, qui cherche une sépulture à Paris (l’épopée de ses cendres est un monument de bêtise hidalguienne), l’ex-journaliste sportif reconverti en Zola de bazar accuse Maurras non seulement d’antisémitisme (là, il enfonce une porte ouverte) mais de l’inflorescence de l’antisémitisme contemporain. Et de mettre dans le même sac l’islamophobie (Askolovitch, rappelons-le, est l’auteur de ce merveilleux ouvrage intitulé Nos mals-aimés : ces musulmans dont la France ne veut pas (2013 — et deux ans plus tard, d’autres musulmans venaient se faire aimer chez Charlie) qui « a la saveur — édulcorée mais tenace — des philippiques de Maurras contre les Juifs » : « C’est parce que l’on envisage, dans notre République, d’exclure des paysages les musulmanes visibles que l’on peut réhabiliter historiquement le fantasme maurrassien de l’expulsion des Juifs ». Il devrait descendre à Marseille voir qui se sent exclu, désormais, dans la patrie de Pagnol.
Je lui conseille d’en parler avec Barbara Lefebvre ou Georges Bensoussan, qui ont l’un et l’autre noté que nombre de Juifs français préféraient partir en Israël plutôt que de rester à Sarcelles — jugeant Jérusalem plus sûre que Saint-Denis. Sûr qu’ils se sentent menacés par les maurassiens du 93…
Cela va de pair, dans le même numéro, avec un article de fond sur le conservatisme de Jupiter-Macron (quelqu’un va-t-il un jour dénoncer le ridicule absolu d’une telle comparaison ?) qui n’est pas « migrant-friendly », comme on dit dans la langue qui se parle à l’Elysée…

C’était mon incursion du mois chez les jobards. Fin de mes rapports avec le Nouveau Magazine Littéraire, qui vivra sa vie entre le Flore et le Balzar — et se fera écraser, j’espère, en traversant le Boulevard Saint-Germain.

Jean-Paul Brighelli

Tully

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4397667.jpg-c_215_290_x-f_jpg-q_x-xxyxx« Liberté, égalité… » — bla-bla-bla : nous sommes tous égaux, et puis il y a Charlize Theron.modeling-photo-of-charlize-theron-in-a-sexy-black-see-through-lingerie-top-with-a-blonde-bob Rappelez-vous. La dernière fois que vous l’avez vue, c’était dans Atomic Blonde,Atomic Blonde (2017) où elle était radicalement belle, même couverte d’ecchymoses qu’elle soignait plongée dans un bain plein de glaçons et sirotant une vodka — un double on the rocks, si je puis dire…tenor Mais un peu avant, elle tenait la vedette dans Mad Max Fury Road, boule à zéro, le visage taché de suie, de poudre, de sueur, un œil au beurre noir, amputée d’un bras…47462 Encore avant, elle avait décroché un Oscar pour un rôle de tueuse en série, dans Monster — elle avait pris 30 kilos tout exprès, et s’était fait infiltrer du collagène dans le visage pour devenir Aileen Wuornos, exécutée en 2002 en Floride pour une série impressionnante de meurtres…Capture d’écran 2018-06-30 à 18.46.55 Et la voici dans Tully, de Jason Reitman (remember Juno ?), où elle joue le rôle d’une mère de famille, Marlo, affligée d’un mari qui passe ses nuits, près d’elle, à tuer des morts-vivants sur sa console, d’une gamine peu douée, d’un fils hyper-actif qu’il faut brosser comme un cheval, chaque soir, pour qu’il consente à se coucher, et elle vient d’accoucher d’une gamine qui hurle sans cesse… Elle pris 20 kilos pendant sa grossesse (et pour le film), et elle n’a pas l’air de vouloir les perdre…tully-696x385 Et elle reste sublime. Le cinéma, c’est ça aussi. Nous, on fréquente des baleines bardées de capitons, elle, elle explique qu’elle a des varices dans ses varices, et on la trouve exquise.

(Note ajoutée le 4 juillet : une amie m’ayant fait remarquer que la notation ci-dessus serait mal comprise par nombre de lecteurs, surtout de l’espèce lectrices, je précise qu’il s’agissait d’un private joke à usage personnel et concernant une seule personne — par ailleurs dépourvue desdits capitons. Les Anglais diraient que c’est de l’humour « tongue in cheek » — une expression que je peine à traduire.)

Bref, Marlo s’offre une dépression post partum que je vous dis que ça.
Alors on lui offre une nounou de nuit — une profession qui déjà vous fait dresser l’oreille, hein… C’est elle, la Tully du titre. Mackenzie Davis.3-1024x603 Une fille tout aussi exquise, un mixte de Charlize Theron et d’Uma Thurman (nous ne sommes pas tous égaux, il y a Charlize Theron, il y a aussi Uma Thurman), une Canadienne déjà vue dans Blade Runner 2049, qui se retrouve ici face à Charlize dans ce qui paraît être un passage de témoin — comme Robert Redford faisait semblant de passer le témoin à Brad Pitt dans Spy Game, si vous vous souvenez. Une nounou qui l’envoie dormir, car elle a fait de la psychanalyse jungienne et cite Samuel Pepys, ce qui a fait tiquer le critique du Figaro, Eric Neuhoff : il n’a pas dû repérer que c’était Marlo / Theron qui avait fait des études de littérature anglaise, et que cette référence savante Samuel Pepys était un indice, parmi d’autres, tous semés afin de préparer…

Arrête, Brighelli ! Ne dis rien !

Ce qui m’a beaucoup amusé, c’est d’imaginer le discours qu’auraient tenu les médias si c’était une femme qui avait signé ce film (c’est une femme, Diablo Cody, qui l’a scénarisé — une ex-stripteaseuse déjà responsable du scénario très malin de Juno). Quelle merveilleuse sensibilité à l’assignation à maternité que nous impose la société mâle ! auraient dit les pétroleuses ! Quelle superbe ambiguïté péri-lesbienne, auraient affirmé les disciples « genrées » de Judith Butler — qui n’auraient rien compris au film, mais bon, on a l’intellect que l’on peut. Quelle fantastique représentation de l’inconséquence du Père, incapable de donner le sein à la petite dernière, et à peine étonné que le ménage soit fait, en sus du reste…
Tully est un travail de collaboration entre gens intelligents (ça n’a pas de sexe, l’intelligence, spice di counasse, ça n’est pas « genré » !), comme l’était il y a deux ans Gone Girl (un homme à la réalisation, une femme au scénario), l’un des films les plus puissamment misogynes des trente dernières années. L’intelligence passe par l’androgyne : elle est mâle et femelle à la fois. Charlize Theron ne doit pas être idiote ni soumise, vu l’extrême pertinence avec laquelle elle choisit et varie ses rôles. Et de surcroît elle est splendide, ce qui n’arrivera jamais à Judith Butler et à toutes les pétroleuses qui assignent les femmes à résidence — comme les islamistes assignent les musulmans à résidence. Ce qu’on appelle en général une prise d’otages.

Je travaille en ce moment sur Simone de Beauvoir, pour préparer les cours de l’année prochaine, et cette femme sublimement intelligente, auxquelles les pétasses modernes doivent tout, s’est fait épingler, bien sûr, par des néo-féministes de salon à la gueule de qui elle cracherait son mépris, si elle était encore en vie — tout comme elle récuserait l’orthographe « inclusive ». Pas assez « femme », disent-elles ! Pendant ce temps il y en a d’autres qui sont juste assez crétines.

Tully m’a fait penser à l’un des livres que je n’ai pas écrits, que je devais réaliser avec Gérard Strouk, un obstétricien réputé qui a dirigé pendant près de trente ans la Maternité des Lilas, malheureusement perdu de vue, qui s’est fait une réputation à s’occuper de l’après-travail, particulièrement de la remise en état des hommes, poly-traumatisés par cette expérience éprouvante (« Elles, elles ont mal, nous, on souffre ») et dont la libido d’abord, l’amour ensuite sont désorganisés par la grossesse,  l’accouchement et l’allaitement. Marlo ne fait plus l’amour avec son mari, qui du coup se cantonne à la play-station et aux films de Q avec serveuses de McDO expertes (son fantasme, dont la réalisation dans le film est tout aussi drôle que celui de la groupie de football dans A History of Violence, l’un des chefs d’œuvre de Cronenberg). Tully raconte la remontée d’une femme vers l’amour, l’amour de celui qui vous a fait ça, l’amour de ses enfants, et finalement l’amour du quotidien. Sortie de crise, disparition de la nounou, fin du baby blues. C’est drôle, pathétique, émouvant, très futé, et ça flirte avec le fantastique. Allez, je vous ai presque tout dit !

Jean-Paul Brighelli

New Romance, la collection que méritent les femmes d’aujourd’hui

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2017Bien sûr, Christine Angot… Céline Zufferey… Marie Richeux… Olivia de Lamberterie… « Tous ces noms dont pas un ne mourra, que c’est beau… »
Sur les 567 romans de la dernière rentrée littéraire, un très grand nombre de femmes : Me Too, se sont-elles dit. Et les éditeurs de s’empresser à publier ces dames…
Mais qui sont les dames qui comptent ? Qui, parmi le flot de nouvelles écrivaines / autrices, comme elles aiment s’appeler (faute de laisser un nom, elles auront au moins une étiquette), surnageront au bout du mois, au bout du compte ?
Quelles femmes vendent des livres, en France ?
J’ai eu l’idée de demander des réponses à Franck Spengler, qui chez Hugo et Cie, la petite maison qui est terriblement montée, depuis cinq ans, s’occupe entre autres de la collection New Romance. L’érotisme soft après avoir publié l’érotisme hard, aux Editions Blanche.
Et les réponses dérangent les mises en plis, je vous le dis.
Surtout si vous avez connu le Summer of love, Mai 68, 69 année érotique, il est interdit d’interdire, le swinging London et tout ce que les années 1960-1970 ont apporté à la libération des mœurs — tout ce qu’il est désormais convenu de ne plus évoquer, de ne plus oser, et finalement d’interdire, tout comme Facebook interdit l’Origine du monde ou les petites culottes de Balthus.
Nous vivons une époque formidable.

JPB. Christina Lauren, Anna Todd, Audrey Carlan, Emma Chase, Elle Kennedy, Karina Halle… Ces noms inconnus du bataillon des critiques littéraires professionnels sont pourtant ceux de stars des gros tirages de votre collection « New Romance », qui depuis 7 ans constituent une bonne part du succès et du développement de Hugo et Cie. Cette romance sagement pimentée de sexe se vend apparemment comme des petits pains. Mais à qui ?

Resized_20180915_182726_3050Franck Spengler. Le public de la New Romance est essentiellement féminin et se situe dans une tranche d’âge assez large allant de 18 à 35 ans. Côté tirage, cela va de plusieurs centaines de milliers d’exemplaires à chaque nouvelle parution pour une Anna Todd ou une Audrey Carlan à une dizaine de milliers pour les moins connues.

2018_NR_CALENDAR-GIRL_ÉTÉ_PLAT-I-509x800JPB. Ce lectorat est-il nouveau ? Après tout, il y avait déjà « Harlequin pourpre » sur ce créneau…

FS. Harlequin reposait surtout sur le sentimental ; le sexe y était inexistant ou à peine suggéré. Avec la New Romance initiée par les 50 nuances de Grey, le sexe tient une place prépondérante, voire primordiale. La lectrice d’aujourd’hui veut de l’amour, bien sûr, mais son corollaire indissociable, le sexe. Mais sans franchir les limites acceptables et acceptées de la majorité.103256405_oJPB. Les audaces très mesurées de ces « romances », en fait de sexe, ne cachent-elles pas, au fond, le retour d’une auto-censure étrange ? Vous avez publié dans les années 1990 des romans sulfureux, aux Editions Blanche. Votre mère, Régine Deforges, n’a jamais hésité à appeler une chatte par son nom. Que s’est-il passé, que se passe-t-il, pour que New Romance soit aujourd’hui sur la crête de ce que l’on peut publier en fait de sexe ? Quelle police de la pensée règne aujourd’hui sur l’édition française ?

FS. Il s’est passé ce que j’appelle la « macdonalisation » de la société et donc de la culture. On veut maintenant des littératures sans aspérités, sans danger pour le lecteur comme on veut des plats sans goûts ni gouasse. Regardez les cris d’orfraie poussés contre le roman de Richard Millet ou contre Outrage de Maryssa Rachel. L’audace littéraire, au même titre que l’audace tout court, a reculé sous les coups de boutoir…

JPB . Ah ! ah ! ah !

Resized_20180924_181957_91FS. …de notre propre morale aseptisée par un empire qui ne veut voir qu’une tête (c’est plus facile à manipuler), qu’un troupeau docile qui se fixe lui-même ses interdits ; ce que l’on appelle « l’ubérisation ». Ainsi, le travailleur uber qui vante un système malin où le maître et l’esclave sont confondus dans la même personne qui, comble du vice, défend le système qui l’oppresse et l’exploite, et s’en fait le plus zélé des prosélytes. Le génie du capitalisme, en quelque sorte.

JPB. Déjà dans la Politique du mâle (en 1970), Kate Millett, l’une des papesses du féminisme à l’américaine, condamnait fermement Henry Miller et ses Jours tranquilles à Clichy (l’ouvrage commence par une longue citation d’un roman dénoncé comme machiste). D’ailleurs, combien d’auteurs classiques, et d’œuvres incontournables, ne seraient plus publiées aujourd’hui — quand une petite culotte sur un tableau de Balthus émeut les foules ?9782755614077

FS. Le féminisme actuel a choisi la dérive Kate Millett ou Caroline de Haas plutôt que le féminisme de ma mère ou de Geneviève Dormann. En mélangeant sans discernement harcèlement, pornographie, violences faites aux femmes, érotisme et plaisir, les féministes actuelles abhorrent manifestement le sexe et la sexualité qui, selon elles, seraient responsables de tous les maux des femmes. Avec elle, tous les livres sexuellement transgressifs, même écrits par des femmes, sont une attaque contre leur cause. On revient à une époque que je croyais révolue où le sexe redevient sale et porteur de tous les vices. En cela, les féministes ne se démarquent pas franchement de tous ceux que le corps effraie, ayatollahs, wahhabites, loubavitchs et tous les intégristes de tout poil.
Moi qui suis un produit de la génération : « Il est interdit d’interdire », je suis effondré de ce retour en arrière où des jeunes femmes réclament l’interdiction d’un livre au prétexte qu’il les dérange.

JPB. La féminisation accrue des maisons d’édition joue-t-elle un rôle dans ce processus ? N’avez-vous pas l’impression que dans la suite de #MeToo et autres machines à dénoncer son prochain, les éditrices ne s’adressent plus qu’à un public pré-ciblé, auquel il faut absolument plaire ? Être un homme dans le milieu éditorial, aujourd’hui, n’est-il pas un vestige quasi antédiluvien ?Resized_20180924_182002_1329

FS. Sans doute oui, mais je pense que le phénomène est plus général. L’édition n’est que l’un des reflets de cette féminisation. J’avais publié en 1999, Vers la féminisation ? d’Alain Soral (largement pompé par Éric Zemmour dans son Premier sexe), un essai qui démontrait que la société, en se féminisant, posait les bases d’une manipulation antidémocratique qui consistait à faire croire que la femme serait en elle-même une classe sociale. Allez expliquer à Ginette Michu qui bosse chez Michelin qu’elle est l’égale de la fille Bettencourt !
Quant à #MeToo, c’est un beau coup médiatique qui a permis à des femmes dont on ne parlait pas ou peu de sortir du bois et tenter d’en tirer quelques dividendes médiatiques. En revanche, cela va pourrir les rapports hommes / femmes pour un long moment.

JPB. J’évoquais Régine Deforges. Sans parler de l’écriture inclusive, qui l’aurait fait frémir d’horreur, qu’aurait-elle pensé, elle qui était une femme absolument libre, si le Monde ou Libé l’avaient traitée d’ « auteure », voire d' »autrice », ou d' »écrivaine » ?PHOc95fb93c-bb5e-11e3-a730-4a7d6fb3b53a-805x453

FS. Votre question m’amuse et me renvoie à une réaction que ma mère eut voici bientôt plus de 20 ans lors d’un salon du livre en province où elle avait tancé l’animateur d’un débat qui, après l’avoir présentée comme éditrice (mot qu’elle détestait également), l’avait appelée « écrivaine ». À l’époque, les femmes de l’assistance étaient majoritairement d’accord avec elle, aujourd’hui, elle serait conspuée. Pour ma mère ce n’était pas l’appellation qui faisait la femme, mais sa conduite et sa détermination à l’être.

Jean-Paul Brighelli et Franck Spengler

Jacques Audiard, les Frères Sisters et la question du « genre »

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imagesJe ne voulais pas parler des Frères Sisters, Même si les dithyrambes qui accompagnent ce demi-navet depuis sa sortie m’ont un peu agacé, je n’allais pas lui jeter la pierre — le chef-opérateur connaît son boulot, la direction d’acteurs est impeccable (mais enfin, c’est la moindre des choses, on n’est pas dans le cinéma de Chantal Ackerman — ah, my god, Jeanne Dielman ! —ni dans celui de Marguerite Duras — ah, my dog, India Song !), et les revolvers utilisés ici sont bien des Colt Walker certifiés d’origine, conformes à l’époque, bravo à l’accessoiriste. Mais tout ça ne suffit pas à faire un film. Enfin, un film, oui — pas un western.
J’avais donc été très étonné que Sébastien Mounier, dans Causeur, s’extasiât devant ce méli-mélo de figures de style (comme dit Manohla Dargis dans le New York Times, « For much of the movie, Mr Audiard instead seems content to play with the genre tropes »), mais rassuré quand Alain Nueil, dans le même Causeur (ah, cultivons la différence, la dissonance, la discordance !) avait qualifié les Frères Sisters (un tel titre, faut-il pleurer, faut-il en rire ?) d’« œuvre régressive ».
Et de noter que « la question qui vient à l’esprit est : où est la femme ? Car il y en a toujours une dans les westerns classiques, soutien et récompense du héros, comme Grace Kelly pour Gary Cooper dans Le train sifflera trois fois. La réponse à ces deux interrogations est la même, elle survient à la fin du film et elle est très déconcertante. À mon humble avis, elle classe le film d’Audiard parmi ces néo-westerns qui ont la couleur et l’odeur des vrais, mais à qui il manque pourtant l’essentiel. »
Résumons : deux tueurs, commandités par un mystérieux « Commodore » (un homme de mer dans l’Oregon, ça fait toujours rire) pourchassent un inventeur de pépites, et chemin faisant, boivent (beaucoup), flinguent une lesbienne, décident finalement d’aller tuer leur patron — mais, quelle dérision, il est mort avant leur arrivée —, et finissent par rentrer chez leur mère où ils s’endorment comme des bébés. Chemin faisant, l’un des deux (Joaquin Phoenix, toujours magnifique) a perdu le bras avec lequel il a jadis tué son père. Sonnez, trompettes du symbolisme !
Notez que je n’ai rien contre l’insertion délicate de la vulgate freudienne dans le western. Ford en a joué avec beaucoup de bonheur dans la Rivière rouge (ah, cette scène mythique où Montgomery Clift et John Ireland mesurent et caressent leurs colts !) et Edward Dmytryck a filigrané l’Homme aux colts d’or d’un thème parallèle d’homosexualité latente. On n’avait pas besoin de Brodeback Mountain. Il suffit d’avoir un grand réalisateur — même pendant la période où sévissait le Code Hays.
Et puis un second article du New York Times (sous la plume de Thomas Chatterton Williams cette fois) m’a fait comprendre pourquoi on disait tant de bien de ce film raté. C’est qu’Audiard y liquide la question du Père (non pas le sien, mais celui qui incarne mythiquement la société mâle), au nom de la parité — si !

À la Mostra de Venise, l’auteur du Prophète s’est écrié : « Quand j’ai vu qu’il y avait 20 films en compétition et qu’un seul avait té dirigé par une femme, j’ai écrit une lettre à mes pairs qui avaient travaillé sur la sélection… J’avais l’intention de faire passer en procès le président de ce festival et toute la Biennale… Mais la réponse que j’ai eue — « Nous faisons honnêtement notre boulot, nous nous fichons de savoir si le film est dirigé par un homme ou une femme » — prouve que nous ne nous posons pas la bonne question. » Tonnerre d’applaudissements, le magazine Variety en a mouillé sa culotte. C’est qu’Audiard est membre du mouvement 50 / 50, qui voudrait qu’il y ait autant de films dirigés par des femmes que par des hommes. Voilà qui doit enthousiasmer le « collectif » (qui n’a pas encore créé son collectif ?) « Sexisme sur écrans » qui le 1er mars dernier, dans le Monde (forcément !) a demandé des quotas par genre (non, pas le genre cinématographique, patate !) dans l’attributions de subventions. « Une étape inévitable pour vaincre les inégalités », affirme ce « collectif de professionnelles du Septième art ». Contente-toi d’avoir du talent, petite.
En classe aussi, un certain nombre de pédagogues, et pas les meilleurs, suggèrent que désormais on fasse étudier autant d’auteurs mâles que femelles… Flaubert à droite (forcément), Marceline Desbordes-Valmore (qui ça ???) à gauche.
Entendons-nous. Il y a de très grands réalisateurs de sexe féminin — Leni Riefenstahl, par exemple (ah mince, elle était un peu nazie). Jane Campion est une grande dame. Katryn Bigelow a fait des films intéressants (et pleins de testostérone, au passage, y compris quand ses héros sont des héroïnes, voir Blue Steel). Et puis ? Sofia Coppola est une fraude, comme disent les Anglo-Saxons. Comme 90% des réalisatrices — et 90% des réalisateurs, la fraude n’ayant pas de barrière de sexe.
Et les grands réalisateurs de westerns ont magnifié les femmes indépendantes — revoir tout Howard Hawks, et les rôles splendides de femmes indépendantes jouées par Angie Dickinson dans Rio Bravo43986740-ff08-49d0-aa5f-950680d7be91_1.396ba39cccde9e65b697d88dde1ac093 ou par Charlene Holt dans El Dorado.7c256df2e69ebe47eccc550956e55a59Ou Lauren Bacall dans le Dernier des géants — un film de Don Siegel, l’auteur de la première (et seule véritable) version des Proies, où un pensionnat de petites filles modèles s’ingéniait à réduire Clint Eastwood…eastwood-1024x577 Ou Annette Bening dans Open Range — le dernier bon western classique à ce jour. Ou…
(J’ai dû faire un peu exprès, question iconographie, histoire de faire bisquer les chiennes de garde ici égarées — fuyez, pétasses !).

Le sexe n’a rien à voir avec le talent. Rien. À vouloir combattre le machisme, on suscite de faux espoirs chez des filles qui croient que filmer ou écrire avec un vagin donne du génie. Mais le génie est rare, et ne dépend pas du sexe. Je pourrais militer pour la réhabilitation de Colette, qui est un immense écrivain (et pas « écrivaine », ça l’aurait fait frissonner d’horreur !) très injustement boudée aujourd’hui. Ou pour débarrasser Simone de Beauvoir des oripeaux féministes dont on l’a affublée (elle non plus n’aurait pas supporté « écrivaine » ou « professeure »), et faire ressortir la stylisticienne magique qu’elle était. Sarraute avait un magnifique mauvais caractère et une plume d’acier, Marguerite Yourcenar a écrit un grand livre (l’Œuvre au noir), tout le monde ne peut pas en dire autant, et Patricia Highsmith est un auteur (et pas « autrice », imbécile !) fabuleux.
Et je n’empêche même personne d’aller fleurir la tombe de Duras au cimetière Montparnasse — même si je pense qu’elle est la valeur la plus surfaite de la littérature des cinquante dernières années. Plus il y aura de fleurs qui pèseront sur son marbre, moins il y aura de chances qu’elle ressorte.
Reste qu’au XXe siècle, quelle femme en France est au niveau de Proust ou de Céline ? Et ailleurs, si Yoko Ogawa est un pur moment de bonheur, tout le monde sait que les Nobels de Toni Morrison ou d’Elfriede Jelinek (avez-vous vraiment essayé de lire Jelinek ? Moi, oui, hélas…) étaient des gender Nobels, si je puis dire. Tout comme Svetlana Aleksievitch était un clou dans la chaussure de Poutine — qui s’en fiche.
Ah, ces gens qui confondent talent et bonnes intentions… Déjà, je refuse le statut d’œuvre littéraire à tout écrit « engagé » — Camus est devenu un géant de la littérature quand il s’est débarrassé de ses bonnes intentions — relisez la Chute, ce chef d’œuvre.
Alors, les Brothers Sisters, cette collusion du mâle et du femelle ressuscitant l’androgyne primitif… Audiard est, paraît-il, « le Scorsese français ». Ce n’est pas ce western raté qui le prouve, en tout cas. Et Scorsese n’a pas tenté le western — il connaît ses limites, lui. C’est le propre des géants.

Jean-Paul Brighelli

Libérons-nous du féminisme !

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Levet-135x215Après avoir travaillé sur Balzac (le Cousin Pons — le dernier roman, l’un des plus beaux), je vais, en ce début novembre, étudier trois pièces de Marivaux — la Double inconstance, la Fausse suivante et la Dispute. J’ai passé une bonne partie de mon été à les analyser, j’en ai tiré une centaine de pages de notes, bref, tout était prêt, quand j’ai lu le dernier brûlot anti-féministe de Bérénice Levet.

Elle y cite un mot de Barbey d’Aurevilly qui m’avait échappé : « Je demande que Marivaux soit interdit à tous les théâtres. Une société fondée sur le suffrage universel ne peut rien comprendre à Marivaux. »
Ni à Laclos, serait-on tenté d’ajouter. Ni à Racine. Ni à Molière, qui dans les Femmes savantes, assaisonnait à la sauce ridicule les prétentions langagières d’Armande et de Philaminte — que cite aussi Bérénice Levet. On se souvient que nos pédantes avaient elles aussi l’intention de faire dans la langue des « remuements », car elles ont pris « une haine mortelle » pour « un nombre de mots », contre lesquels elles préparent « de mortelles sentences ».
Je me demande quelle professeure, comme disent et écrivent ces imbéciles, oserait encore faire étudier une telle pièce à ses élèves — et elles sont près de 90% parmi les enseignants de Lettres. Tout comme le Nouveau Magazine Littéraire prétend réformer la littérature en traquant toutes celles qui ne sont pas conformes au nouveau canon féministe. Après la tentation de Trissotin, voici venus les temps de Trissotine.

C’est typique. De tous temps, les nouveaux convertis ont été plus jusqu’auboutistes que les anciens croyants. Torquemada, Laval, Raphaël Glücksman et les nouvelles musulmanes couvertes des pieds à la tête. Tant de gens qui donnent raison à Orwell (avec la novlanque) ou Klemperer (avec la Lingua Tertii Imperii) portent témoignage d’un fait imparable : la bêtise, parvenue à un certain point, peut tout ce qu’elle croit pouvoir, comme disait à peu près le Cardinal de Retz. C’est ainsi que les féministes enragées qui à la fac des Lettres d’ax-en-Provence font cours sur Simone de Beauvoir, ont prévenu qu’elles mettraient zéro à toute personne qui n’écrirait pas »écrivaine », ou « autrice » — des mots que Beauvoir, femme intelligente s’il en fut, leur aurait crachés à la gueule. « Oui, mais justement, argumentent-elles, Silone n’est pas allée jusqu’au bout. » Eh bien en allant au bout, ma cocote, on tombe. On tombe par exemple sur Bérénice Levet, qui ne s’en laisse pas conter.

Retour à Marivaux. Rien de plus terrible que ces comédies plaisantes. Prenez la Fausse suivante par exemple. Un homme y est dupé par une femme déguisée en homme — qui inspire d’ailleurs de tendres sentiments à une comtesse fort désireuse de sortir du célibat. Ou la Dispute : « Les deux sexes n’ont rien à se reprocher, vices et vertus, tout est égal entr’eux. » Ou la Double inconstance : pour le « service du Prince, une femme, Flaminia, se charge de briser l’amour existant entre Silvia et Arlequin — « l’histoire élégante d’un crime », dit Anouilh qui a tourné suavement autour de la pièce dans la Répétition.
Le XVIIIe siècle usait de la galanterie comme pierre de touche de la qualité : c’était un jeu de pouvoir, où personne n’était donné gagnant a priori — et je doute que Marivaux se soit cru plus savant qu’Emilie du Châtelet. Ce qui les intéressait, c’était la nature humaine, et la façon dont la question d’argent forçait à simuler les sentiments.
Et le marivaudage était cette élégance d’expression qui cherche à séduire en tournant autour du mot — le meilleur moyen de casser le pot.
Une élégance qui n’est plus de saison, explique avec une ironie glacée Bérénice Levet — qui en veut visiblement à toutes ces pouffiasses de l’obliger à parler contre les femmes pour dénoncer la façon dont quelques lesbiennes frustrées se sont annexé le féminisme, et décidé que la prochaine croisade — puisque la chute du Mur ne laissait plus grand chose à espérer dans le champ strictement politique — serait l’ablation de nos couilles.
Le livre regorge d’anecdotes significatives et positivement sidérantes — mais ma préférée est l’extension du domaine de la lutte contre le manspreading.
J’ai appris un mot — et comme Monsieur Jourdain avec la prose, je pratiquais le manspreading et je ne le savais pas ! Un vocable, explique Bérénice Levet, forgé « pour désigner et incriminer l’habitude des hommes de s’asseoir jambes écartées. »
Galéjade ? Même pas. « Depuis juin 2017, après New York, Tokyo, Seattle, Philadelphie, Madrid en signale l’interdiction par un pictogramme [forcément, les mecs ne savent pas lire, il leur fait des dessins] montrant un homme les cuisses écartées barré d’une croix rouge ».
« Osez le féminisme ! », cette association qui regroupe toutes celles que nous pendrons à la prochaine révolution, a traduit manspreading par « syndrome des couilles de cristal ». Et observe nos hommes politiques. Chance pour eux, « Macron et son premier ministre ont les jambes soigneusement repliées l’une sur l’autre ou sagement serrées » — sans qu’on puisse incriminer, je pense, l’habitude de porter la jupe. « L’ami des femmes se signale à ces petits indices ! »
Ainsi se gagne une élection, mes amis. Désormais, en public, tenez-vous dans une attitude non offensante — et apprenez à vos chiens à s’asseoir sur leur séant, et non sur le côté, ce que font tous ceux qui ont peur de se coincer les roubignolles. Question de taille, sans doute.

Jean-Paul Brighelli

Callipyge

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Hélène Bidard conseiller de Paris PCFLes féministes folles ont encore frappé : une publicité Aubade, accrochée à la façade des Galeries Lafayette à Paris, les défrise souverainement. « Un trop beau cul ! » hurlent-elles en substance. « Pas assez celluliteux ! Pas assez gras ! Pas assez réaliste ! »
« Sans compter que le modèle n’a pas de tête ! Les femmes ont-elles vocation à être décapitées ? Ne serons-nous jamais que des fesses sans cervelle ? Sortons tout de suite de trois mille ans de dictature machiste ! »
Etc.
D’ailleurs, peu de temps auparavant, une autre publicité pour un produit anti-cellulite avait également provoqué leur ire. « Marketing sexiste pour les Nuls ! La cellulite est un droit ! Cellulite ? #Me too ! Et tu n’as pas à me dicter ton standard de beauté, sale mâle blanc colonialiste… »
Etc. (bis).

Reprenons.

Et d’abord, une p’tite chanson :

« Dans l’alphabet du corps, le Q est la consonne
Qui m’occupe toujours particulièrement,
Et même si tu te paies des yeux de diamant
Mes yeux lâchent tes yeux pour lécher ta consonne… »

C’est de Nougaro et ça s’intitule finement « le K du Q ». Ça se trouve dans ce très bel album, Plume d’ange, très free jazz — et ça date de 1977. On était alors libre d’écrire et de chanter ce que l’on voulait. Et aucune femme ne se trouvait offensée par les délires des poètes. Ni Nougaro, ni Brassens, qui dans « Vénus Callipyge » osait chanter :
« C’est le duc de Bordeaux qui s’en va, tête basse
Car il ressemble au mien comme deux gouttes d’eau
S’il ressemblait au vôtre, on dirait, quand il passe
« C’est un joli garçon que le duc de Bordeaux ! » »
Mais ça, c’était en 1964. La censure gaulliste sévissait si fort que Jean-Jacques Pauvert ou Régine Deforges éditaient des livres immédiatement interdits. De la Libération à 1975, près de 3000 films ont été censurés, tout ou partie. Pour certains, on a même détruit les négatifs par décision de justice : Torquemada pas mort !

Nous protestions, mais nous n’avions rien vu. Il nous restait à affronter les pétroleuses modernes.
Les c***, ça ose tout, c’est aussi à ça qu’on les reconnaît. Les c**nes aussi.
Et les incultes itou.

Parce qu’en définitive, c’est un problème de culture.

On a guillotiné Olympe de Gouges non parce qu’elle avait écrit les Droits de la femme et de la citoyenne (une façon de faire du communautarisme déjà à l’époque), mais parce qu’elle était mauvaise latiniste. Elle ignorait qu’en latin, « homo », qui a donné « homme », signifie « l’être humain ». Pas le mâle — le « vir » abonné à la virilité et aux poils sur le torse. Les Droits de l’homme incluaient les femmes. Faute de traduction ? La bascule à Charlot !

Ils étaient vifs, en 1793.

Le cul, c’est toute une culture. Mais comment le faire comprendre à ces hilotes ? Elles en sont à croire que les fesses d’Aubade sont authentiques — on aurait dû leur expliquer que de la même manière que la pipe de Magritte n’est pas une pipe, le cul d’Aubade n’est pas un cul, mais une image. Juste une image. Une quintessence.
Alors, les revendications de fesses celluliteuses…

Au commencement était le cul des déesses.Vénus callipyge NaplesEt des dieux, face250px-Hermes_di_Prassitele,_at_Olimpia,_frontet pile.Back_Hermes_bearing_Dionysos_Olympia

Qu’elles soient nues ou à peine dissimulées sous un voile qui sous prétexte de pudeur en accroît encore le potentiel admirable… C’est le sculpteur Jean Thierry qui au début du XVIIIe a rajouté une broderie de marbre sur les fesses de la Vénus Farnèse copiée par François Barois — et ce voile de marbre a mis une touche d’obscénité sur le galbe de la Perfection.800px-Callipygian_Venus_Barois_Louvre_MR1999

Il n’y a pas que les culs féminins qui soient divinisés par l’art. Rodin a sculpté l’Homme qui marche — nu et décapité. La Force comme d’autres étaient la Grâce.1560_e1bca3a50f848c1Les Grecs modelaient autant de fesses d’hommes — forcément, ils n’avaient pas la fesse platonique — que de femmes. D’hommes de tous les âges, fesses de jeunes hommes ou de quadragénaires Ebranleurs du sol…Grecia-Atenas-Museo-Arqueologico-Nacional-Zeus-Poseidon-Completo-TraseraOu androgynes plus beaux encore que des femmes.
1280px-Borghese_Hermaphroditus_Louvre_Ma231

Quant à la revendication celluliteuse… Ma foi, Rubens il y a cinq siècles a déjà réglé le problème1200px-The_Three_Graces,_by_Peter_Paul_Rubens,_from_Prado_in_Google_Earth— mais franchement, c’était donner aux Grâces un caractère humain, trop humain. Canova a mieux cerné la question.2006AT7725_three_graces_new

La fesse doit être admirable, ou n’être pas. Fesse de divinité, comme la Vénus au miroir de Vélasquez — le sommet de la fesse. Le sommet de l’art.1280px-RokebyVenusBien sûr que ce n’étaient pas — pas plus au Ve siècle qu’au XVIIe ou aujourd’hui au fronton des Grands magasins — des fesses réelles. Mais des rêves de fesses, une sublimation du désir mis entre deux parenthèses sublimes.
Cela ne nous empêche pas, nous autres hommes réels, d’aimer vos fesses dans la réalité, quelles qu’aient été leurs vicissitudes… « La femme qui est dans mon lit n’a plus vingt ans depuis longtemps »… Nous vous aimons réelles, mais nous adorons les culs des déesses — parce que nous adorons l’art, et que nous savons qu’il n’est pas la vie, mais la correction d’icelle.

Jean-Paul Brighelli

Curiosa

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imagesAlignés sur les rayons d’une librairie de gare, ce sont des livres pornographiques. Mais dénichés dans l’antre d’un bibliophile spécialisé, ce sont des curiosa.
Curiosa est aussi le titre du premier film de Lou Jeunet, centré sur les amours de Marie de Régnier — qui publia l’Inconstante sous le pseudo de Gérard d’Houville et fut la première femme couronnée par l’Académie française — et de Pierre Louÿs, le merveilleux auteur d’Aphrodite, la Femme et le pantin, les Chansons de Bilitis et Trois filles de leur mère, illustré ici par un tableau de Jean-Louis Forain représentant Marie de Régnier en 1907.Trois-Filles-de-leur-mere portrait Jean-Louis Forain 1907

Trois filles, justement, telle est la malédiction du pauvre José Maria de Hérédia, l’inoubliable poète des Trophées. Trois filles « dont il enrageait », comme disait Mérimée. Poète et impécunieux — pléonasme —, où trouver, « sans dot », à les marier ?
Marie est la seconde de ces trois Grâces désargentées. Elle épouse le gentil poète Henri de Régnier, un symboliste alors fort à la mode et un peu oublié, auquel Hérédia, à qui il a fait obtenir le poste de Conservateur de la Bibliothèque de l’Arsenal, a des obligations. Une dizaine d’années de plus qu’elle, et elle ne l’aime pas.
Parce qu’elle en aime un autre — le beau, le fantasque, le sulfureux Pierre Louÿs. Ce surdoué des Lettres, qui sait absolument tout faire et tout écrire, vient d’acheter le premier Kodak, et s’amuse à photographier toutes les greluches qui passent à sa portée — à en remplir des albums entiers.

(J’ai jadis travaillé avec un photographe de charme compromis dans une affaire de mœurs sordide à laquelle il n’avait participé vraiment qu’à la marge. Cet aimable garçon gardait, soigneusement rangées dans de grands in-folio, près de 12 000 polaroïds de tous les modèles qu’il avait flashés : le polaroïd, pris invariablement sur le rebord de sa baignoire où il faisait s’asseoir la fille, est un juge de paix impitoyable : si vous êtes belle sous Polaroïd, vous serez belle toujours.)

Pierre Louÿs, grand amateur de bordels comme tous les hommes de cette Belle époque, a donc rassemblé des centaines de clichés plus ou moins sulfureux. La fesse est le thème central de ce philopyge distingué dont on a récemment publié l’œuvre argentique.51c0dw6+iOL._SX352_BO1,204,203,200_Voici donc Marie entre les bras et sous l’objectif de notre érotomane distingué (un érotomane est toujours distingué, une brune piquante et le marquis divin). Entre les bras aussi de son esclave du moment, une certaine Zohra ramenée d’Algérie, à laquelle il fait prendre les poses alanguies des bayadères de l’art orientaliste du moment — par exemple celles de Léon-François Comerre.Léon-François ComerreIl pousse son odalisque dans les bras de Marie, réticente d’abord, enthousiaste ensuite. « Je lui ai tout appris jusqu’aux complaisances, je n’ai excepté que les précautions », disait Valmont. Marie tombe enceinte des œuvres de Pierre, et fait endosser l’enfant à son époux — malheureux mais intéressé par ce triangle dont il est le tiers exclu : le clou du film est une splendide scène de candaulisme que je ne vous raconterai pas, pervers que vous êtes.

Et si vous ignorez ce qu’est le candaulisme (à votre âge ? Allons donc !) relisez la jolie nouvelle de Théophile Gautier, le papa de tous ces poètes néo-précieux ou post-Parnassiens, consacrée à cet homme de goût. Gautier qui était lui aussi un fervent photographe, épousa Ernesta Grisi après avoir aimé sa sœur Carlotta. Tout comme Pierre Louÿs épouse finalement Louise de Hérédia après avoir aimé Marie, ou tout en aimant Marie : la littérature et les littérateurs passent leur temps à se copier, s’inspirer, s’inter-pénétrer.
De sorte qu’il les fera poser l’une et l’autre en des combinaisons que la décence rigoureuse qui règne toujours dans mes propos m’empêche de décrire, mais dont le générique final donne une idée.Montage-Marie-de-Regnier-nue

C’est en résumé un joli film, maîtrisé, fort bien joué, où passe habilement l’essentiel d’une époque. Quelques feuilles d’érable préludent à une exposition japonisante bien dans le goût du temps, et la manière dont Marie affuble Pierre de son corset, comme jadis Omphale fit enfiler ses robes à Hercule, nous fait presque regretter l’invention du soutien-gorge.
Quelques personnages secondaires, amants parallèles d’une femme qui ne les compta plus jusqu’à sa mort à 87 ans (ainsi Jean de Tinan, l’un des multiples nègres du Willy de Colette, récemment évoqué ici, et qui carburait au cocktail éther / curaçao) sont bien typés. Lou Jeunet a tiré le meilleur d’un budget étroit, et elle a l’art de raconter toute une époque avec une robe froufroutante ou un papier peint défraichi. Un film prometteur — quoi qu’en dise la presse, qui fait la fine bouche devant ce film précieux sur une femme exemplaire, évidemment moins pincée du cul que les chiennes de garde actuelles, mais autrement exemplaire de ce que peut être une femme quand elle a vraiment du talent — peut-être même du génie.
Car celles qui n’ont ni talent ni génie, pourquoi nous en soucierions-nous — tant il est évident que la parité est le refuge des imbéciles…

Jean-Paul Brighelli

PS. Si vous voulez en connaître un peu plus sur Pierre Louÿs, lisez ses œuvres — et en parallèle l’un ou l’autre des livres que Jean-Paul Goujon, spécialiste exclusif de l’un des plus secrets des écrivains en vue, lui a consacrés. Louÿs a mal fini — paralysé, aveugle : le photographe qui ne peut plus voir, quelle fable exemplaire et abominable…du coté de mon vice


Céline Pina : deux ou trois choses qu’elle sait sur l’islamisme

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Spécialiste des collectivités locales, membre du PS durant de longues années, ex-conseillère régionale d’Île-de-France, suppléante d’un député PS, rien ne donnait à penser que Céline Pina, petit soldat du socialisme au pouvoir, ruerait dans les brancards. C’est pourtant ce qu’elle a osé, en 2015, dénonçant le « Salon de la femme musulmane » qui se tenait à Pontoise. Que n’avait-elle pas fait là ! Briser l’omertà, quel sacrilège ! Vilipendée, exclue, poursuivie à l’occasion par les islamistes qui savent reconnaître leurs ennemis, toujours vaillante, elle a publié un premier livre en 2016, Silence coupable, et en prépare actuellement un second. Cette femme courageuse, pour laquelle j’ai une vraie admiration, a bien voulu répondre à mes questions.

JPB. Alors, Céline Pina, toujours islamophobe, paraît-il ? Puisque c’est ainsi que vous qualifie le CCIF…

CP. L’islamophobie est une escroquerie intellectuelle qui vise à rétablir la notion de blasphème en interdisant toute critique de l’Islam. Dans les faits, si le CCIF accuse notre société, comme les individus qu’il cible, d’être islamophobe, c’est que cette institution, relais de l’idéologie des frères musulmans, ne supporte ni la liberté d’opinion, ni la liberté d’expression, encore moins celle de conscience. A cela s’ajoute le refus que la femme soit l’égale de l’homme, la culture du ressentiment, la volonté séparatiste et le refus d’intégration.
En faisant passer les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité que défendent les républicains laïques pour un rejet des musulmans, ce sont les islamistes qui les stigmatisent en tentant de les enfermer dans un communautarisme qui ne leur permet pas de trouver leur place au sein de notre société et qui les enferment dans une vision obscurantiste, impérialiste et intégriste de leur religion. En attendant, en accrochant cette étiquette « islamophobe » au dos de ceux qui défendent les idéaux universels le CCIF avertit les intellectuels courageux : défendre la liberté se fera à leurs risques et périls car ils seront désignés comme des cibles par les petits soldats de l’islam politique, seront fragilisés dans leur milieu professionnel, attaqués dans le cadre du jihad judiciaire et ne seront ni défendus ni protégés par leur gouvernement.

JPB. Pendant 25 ans, vous avez été un bon petit soldat du PS. Quelle mouche vous a piquée en 2015 ? Quelle idée de dénoncer le sort réservé aux femmes par l’Islam, à l’occasion du Salon de la femme musulmane à Pontoise ? Et de stigmatiser le « silence assourdissant » du député Dominique Lefebvre, dont vous étiez suppléante ?

CP. J’étais déjà choquée à l’époque par la médiocrité du milieu politique dans lequel j’évoluais mais aussi par une réelle absence de contrôle des actes des collectivités locales alors que l’argent public qu’elles investissent est conséquent. En 2014, au moment du renouvellement municipal, tous les élus de l’agglomération où j’habitais ont reçu une lettre de la directrice des Finances de la principale ville du regroupement qui dénonçait nombre d’atteintes aux marchés publics. Que ces accusations aient été fondées ou non, nous ne le saurons jamais. Ce qui m’a choquée alors, c’est l’omertà totale qui en a résulté et le réflexe corporatif qui a eu lieu. Un réflexe d’autant plus fort que certains employés de l’agglomération étaient aussi époux ou parents des élus qui siégeaient. Un népotisme qui ne paraissait déranger personne. Or ce même népotisme est combattu au Parlement, alors que les députés ne gèrent pas les budgets conséquents à disposition des élus de grandes villes ou de grosses agglomérations. Là où l’argent public est présent en quantité, le contrôle de l’Etat est indigent. Cette situation favorise la corruption et le soupçon. Le courrier de cette fonctionnaire et le refus de regarder en face les conséquences du manque de contrôle en matière de corruption au sein d’un parti qui n’avait que la morale à la bouche m’avaient déjà découragée.
Ajoutez à cela le clientélisme qui fermait les yeux des élus sur la montée de l’idéologie islamiste, la haine du Blanc et de l’Occident qui se répandait dans les quartiers, la réalité de l’antisémitisme et les atteintes portées à l’égalité femmes-hommes et vous comprendrez que lorsque j’ai appris la tenue de ce salon, que j’ai écouté les discours des prédicateurs invités qui justifiaient pêle-mêle le viol des femmes non voilées, appelaient à la haine des juifs et expliquaient à des enfants que s’ils écoutaient de la musique ils allaient se transformer en porcs ou en singes, j’ai jugé qu’il était de mon devoir d’élue d’intervenir. Le fait que les autres grands élus du territoire et notamment le député de l’époque, Dominique Lefebvre, aient choisi de se taire parce qu’ils pensaient que cela leur assurerait le vote musulman sur lequel ils avaient bâti une grande partie de leur stratégie électorale me paraissait relever d’une double trahison. D’abord à leurs devoirs d’élus qui impliquent que l’on fasse passer la défense de ce qui fonde notre contrat social et nous fait exister en tant que société constituée avant la défense de son mandat et des avantages personnels que l’on en retire. Aux Français de confession musulmane ensuite, dont une partie notable n’a aucune sympathie envers les islamistes et aspire aussi à l’émancipation et à l’égalité.

JPB. Avez-vous eu conscience, à l’époque, que vous entamiez une procédure de divorce avec votre ancienne famille politique ?

CP. Oui. Mais il y avait eu Charlie et le retour de l’assassinat politique. Combattre cette violence me semblait plus essentiel que donner des gages de loyauté à des personnes sans envergure ni conscience. Ces passages à l’acte étaient liés au développement d’une idéologie parfaitement identifiable, dont les plus habiles propagateurs étaient les Frères musulmans, et dont la propagande était relayée par des organisations qui avaient pignon sur rue (UOIF,CCIF…). Or au PS, faire le lien entre imprégnation de l’idéologie islamiste, retour de la violence terroriste, mais aussi montée de l’antisémitisme et fragilisation des droits des femmes vous valait déjà des procès en racisme et fascisme. Pourtant les effets de ce travail de radicalisation se voyaient au quotidien dans le voilement des femmes et des fillettes, dans le départ des Français de confession juive de nombre d’écoles et de certaines villes ou quartiers, dans la recrudescence des revendications communautaires. Or sur tous ces sujets, mon parti d’alors témoignait d’un aveuglement qui à un moment ne relève plus naïveté, mais de la complicité. Et je ne voyais pas la position d’élu comme une sinécure où l’on n’a rien d’autre à défendre que son poste, tout en faisant croire aux citoyens que l’on est porté par des convictions et un réel désir de servir son pays. Pour moi cette position était de celle qui obligent. Sur les conséquences de ce choix, j’étais sans illusion : en étant la seule à dénoncer cette atteinte aux principes et idéaux qui fondent pourtant notre contrat social, je mettais d’autant plus en relief l’absence de courage et de capacité à défendre ce que nous sommes en tant que peuple de celui qui était alors le député du territoire. Dominique Lefebvre. L’ayant fait au nom du devoir et sans avoir d’alliés, je savais que je serais attaquée par l’appareil, ne serais défendue officiellement par aucun des grands élus qui pèsent et perdrais toute chance d’investiture pour les élections. C’était la fin de ma carrière politique. J’ai juste estimé que cette cause valait de lancer mon chant du cygne.

JPB. À cette époque, Rachid Temal, aujourd’hui sénateur PS, vous menace d’expulsion, on vous accuse de faire le jeu du FN — et de fait, ce sont surtout des organes de presse réputés « de droite » qui vous accueillent désormais. Comment vit-on une exclusion alors même que l’on sait que l’on a raison ?

CP. Cela peut mettre très en colère et c’est souvent un des buts. Quand on se sent victime d’une injustice, on peut perdre son calme et le sens de la mesure et se tirer soi-même des balles dans le pied. En vous mettant en accusation d’être devenu ce que vous combattiez, on tente de vous décrédibiliser totalement. C’est déjà violent en soi. Mais surtout ce qui m’a choquée c’est que des personnes comme Rachid Temal ou Dominique Lefebvre ne pouvaient que se douter qu’en m’attaquant aussi violemment après le massacre de Charlie, cela pouvait me mettre en danger. Cela ne les a pas arrêtés une seconde. Or comment faire confiance à des personnes, dont la première des fonctions est de protéger leurs concitoyens, quand confrontés à une parole courageuse et indépendante mais qui les contrarient, ils ne songent qu’à la faire taire sans autre considération que leur propre intérêt. Cette inhumanité souvent présentée comme une force en politique est consternante. Malheureusement elle faisait partie de la logique de l’appareil et plus jeune, l’on peut malheureusement y succomber.
La presse dite de gauche, elle, n’existe plus. On a certes une presse dominée par l’idéologie islamo-gauchiste, mais la qualifier de « presse de gauche » est une insulte à la gauche, historiquement émancipatrice, soucieuse de justice sociale et défendant l’égalité des droits. D’ailleurs cette presse-là est en train de connaître le destin du PS : lui n’a plus d’électeurs, elle, plus guère de lectorat. Ses titres sont portés à bout de bras par des hommes d’affaires dont il faudrait un jour interroger les motivations et les alliances. En effet, conserver ces titres n’a plus guère d’autres intérêts qu’investir le champ de la représentation. Le Monde, Libération, L’Obs vivent de leur réputation et de leur image. Ils restent des références pour ce qu’ils ont été, même si ce qu’ils sont devenus trahit leur histoire. Ils ont encore le pouvoir d’être crédités de « dire » le réel. Les conserver permet d’imposer dans le débat des thèmes que rejettent les Français et de garder le pouvoir de dire le licite et l’illicite, de faire des réputations, de lancer des leaders d’opinions. Cela ne fait que creuser la fracture française et ajoute au désarroi de la majorité des français qui ont le sentiment que leurs élites vivent dans un autre monde. Cela explique aussi le fait que les journalistes ont réussi à décrocher une triste palme : ils sont aussi déconsidérés que les hommes et femmes politiques. Je pense que le temps finira par rendre justice à cette triste presse. Mais j’avoue m’en désintéresser totalement aujourd’hui.

JPB. De fait, pensez-vous que l’axe droite / gauche est encore fonctionnel en France ? Ne pensez-vous pas que l’opposition, désormais, est entre une oligarchie qui est indifféremment de droite et de gauche (et dont Macron est le symbole évident) et un peuple dont on n’entend plus la parole — sauf quand il descend dans la rue ?

CP. Il y a effectivement un vrai problème de représentation car aujourd’hui la majorité de la population ne s’exprime plus, qu’elle arrête de voter ou qu’elle vote blanc, faute d’offre politique qui la représente. Le peuple s’est mis en retrait et ce qui est de plus en plus mis en scène c’est une opposition entre l’oligarchie et la populace, pas le peuple. Les vrais gilets jaunes étaient des travailleurs qui ne voulaient pas casser mais voulaient être vus et entendus par le pouvoir. Dans la mise en scène oligarchie contre populace, le peuple est encore une fois évacué. Le pas de deux est parfait. La peur de l’agglomération black-bloks-islamistes-extrême-droite soude l’électorat de Macron qui craint pour ses avantages et sa position et le fait payer à coup de mépris social et d’indifférence à cette France périphérique dont parle si bien Christophe Guilluy. Cela crée un désespoir social qui fait que la perspective d’une accession au pouvoir de l’extrême-droite se profile de plus en plus. Et nous en arrivons à cette sordide équation alors même que le peuple français est profondément laïque, républicain et démocrate et ne veut ni de cette oligarchie sans vision ni consistance, ni de l’extrême-droite. C’est à pleurer.

JPB. Nombre de mes étudiantes maghrébines témoignent qu’il y a moins de femmes voilées à Alger qu’à Marseille. Mais certaines se voilent à la sortie des cours pour éviter les problèmes dans leurs cités des Quartiers Nord. Y aurait-il en France une stratégie de la terreur dont les femmes — encore une fois — sont les premières victimes, et les premiers vecteurs ?

CP. On n’en est pas encore à la stratégie de la terreur, mais bien à celle de l’intimidation et de la pression morale et sociale. La stratégie séparatiste que met en œuvre l’islam politique vise à entraîner une partie de la population à faire sécession afin de rendre impossible toute intégration. En imposant le voile, un marqueur identitaire sexiste, comme définition de la femme musulmane authentique, on met en scène un islam incompatible avec cette valeur universelle qu’est l’égalité en droit au-delà du sexe, de la race, de la religion ou de son absence. Cela nourrit un rejet légitime. Aucune société ainsi attaquée dans ses lois et ses mœurs ne se laisse faire sans réagir et on devrait noter sur ce point l’excellente tenue de nos compatriotes alors même que leur ras-le-bol est important et statistiquement mesuré. De l’autre côté, cela entraîne l’enfermement et l’isolement : ne pas mettre le voile dans certains environnements, avant même de vous mettre en danger ou de vous valoir des représailles physiques équivaut à vivre en exil. C’est trahir sa communauté, sa religion, son clan, sa famille. C’est s’exclure sans autre espoir de retour que la soumission. La rupture est tellement violente qu’elle devient impossible.
D’autant plus impossible que ceux qui sont censés être les repères et les incarnations de l’émancipation et de l’égalité, le Président et son gouvernement (l’actuel comme les précédents), ne les connaissent pas, ne les défendent pas, ne les font même plus respecter. Entre des islamistes déterminés qui utilisent tous les moyens de pression et qui mettent en scène leur puissance, un gouvernement français qui s’excuse presque d’être laïque et dont le Président dit que son pays n’a pas de culture et enfin des décideurs qui sont en train de favoriser la main-mise des frères musulmans sur l’Islam en France, si vous étiez une jeune femme issue d’une famille sous influence islamiste, vous n’auriez aucun intérêt à enlever votre voile : vous seriez chassé d’une communauté dans laquelle se reconnaissent tous vos proches pour aller vers une communauté nationale qui ne reconnaîtra pas votre courage et vos efforts car elle ne semble avoir plus ni contour ni définition, même pour les gens qui l’incarnent.

JPB. L’Observatoire de la laïcité, de l’inénarrable Jean-Louis Bianco — qui lui aussi vient du PS —, ne cesse de temporiser et de plaider pour une laïcité à géométrie variable. J’ai moi-même expliqué que l’adjonction d’un qualificatif au mot « laïcité » le réduit automatiquement. À terme, quelles seront les conséquences de ce type de compromission ?

CP. Les conséquences, nous les vivons au quotidien : la France est considérée comme faible tout en étant symboliquement une prise de choix. Les islamistes mettent la pression pour imposer leurs codes culturels dans l’espace visible et celui qui montre le plus leur domination est le voilement des femmes. Avec l’Observatoire de la Laïcité, les islamistes ont des alliés objectifs qui ont réduit l’idéal laïque, idéal autant politique que juridique, à la seule loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, une loi dont ils ne font même pas respecter tous les articles. Les conséquences de cette compromission nous les vivons déjà : c’est ainsi que les accompagnatrices de sorties scolaires peuvent être voilées, donc arborer un signe sexiste et inégalitaire, contraire à nos principes, dans un cadre scolaire censé être protecteur pour de jeunes esprits en formation. On attend avec impatience l’accompagnateur ou l’accompagnatrice qui portera un tee-shirt clamant « vivre l’apartheid ». Après tout, si on autorise les signes sexistes, pourquoi refuser les signes racistes ? Je crains donc que notre faiblesse nous amène, au nom de la tolérance, à autoriser la multiplication des discriminations et de la violence qui les accompagnent. Savez-vous pourquoi le politiquement correct est si important dans les sociétés multiculturalistes, où il n’y pas de communautés nationales mais une juxtaposition de communautés ethniques et religieuse ? Parce que comme elles se haïssent et sont en concurrence, une parole malheureuse peut vite entraîner des drames. Derrière le discours sur le respect, c’est la réalité du mépris racial et ethnique que vivent ces sociétés, non la disparition de ce préjugé.

JPB. Nous avons signé tous deux en avril 2018 le Manifeste contre un nouvel antisémitisme, qui disait clairement que c’est moins dans les rangs de l’ultra-droite que parmi la jeunesse musulmane radicalisée que l’on trouve aujourd’hui les racistes anti-juifs. Les attentats anti-juifs se sont multipliés ces dernières années. Et pourtant, on entend peu de protestations — sinon au rituel dîner du CRIF, chaque année. Un autre « silence assourdissant » ?
CP. En France, il y a une ligne qui va d’Alain de Benoist et Soral jusqu’à Dieudonné, Houria Bouteldja, Alain Gresh, le CCIF et toute la clique des islamistes, et qui fait la jonction entre l’extrême-droite antisémite et l’extrême-gauche «antisioniste» (posture qui comme le racialisme permet d’être antisémite décomplexé sans avoir à l’assumer). Les uns étant les idiots utiles de l’autre et s’exploitant mutuellement.
Du coup, chez nous, plus le projet de contre-société portés par les racistes « post-coloniaux » et les islamistes défait le monde commun et abime nos institutions, plus l’extrême-droite fascisante apparaît comme un recours possible lors des élections. Suivant l’idée que rien ne vaut des méchants extrémistes pour en éradiquer d’autres, c’est dans toute l’Europe que les suprémacistes blancs gagnent des parts de marchés électoraux. Pendant ce temps, à coup de « mais en même temps », de « padamalgame », de refus d’agir et de réagir aux atteintes portées à notre contrat social, les partis traditionnels ou récemment créés comme En Marche apparaissent comme inutiles et incapables. En tout cas ils ne sont pas considérés comme capable d’éviter l’orage qui gronde et risque d’emporter ces valeurs humanistes et égalitaires qui ont construit nos démocraties.
Aujourd’hui un chiffre est révélateur de ce qui se passe en France : les juifs représentent moins de 1% de la population mais subissent quasiment la moitié des agressions à caractère raciste. Et ce n’est pas un hasard. Culturellement et cultuellement, dans certaines familles de pensée et dans nombre de familles musulmanes, cette haine est semée et entretenue, elle fait partie de l’éducation, de la construction d’un rapport au monde, elle est intégrée au devoir religieux.
Qu’après la shoah, on puisse voir revenir les mêmes idées qui ont fait 6 millions de mort dans les camps sans que cela ne suscite rien d’autre qu’une compassion rituelle et une émotion superficielle me rend malade. Il y a une preuve patente de cet état de chose: alors que le fait est connu et reconnu, l’Education nationale ne fait rien pour que les élèves juifs, chassés de l’école publique dans certains territoires, y retrouvent toute leur place. On s’est également rendu compte qu’en France, il existait une alya interne. Autrement dit que sous les menaces et les persécutions, les Français de confession juive quittaient certaines villes et certains territoires car leur sécurité n’y était plus assurée. Cela eût dû nous faire réagir. Et en premier lieu notre gouvernement. Eh bien l’information n’a déclenché aucune action concrète. Les autorités françaises ont abandonné ce combat sans même avoir essayé de le mener. Résultat le phénomène continue à empirer. Ainsi nombre d’enseignants dans certaines zones reculent à l’idée d’évoquer la Shoah dans les collèges et la haine d’Israël comme la falsification historique sur le conflit israélo-palestinien atteint des sommets. La France connait le triste privilège de voir s’installer sur son sol et dans certains médias une propagande destinée à assimiler les juifs à des nazis, en mettant en avant un génocide palestinien qui n’existe pas. Et nul ne réagit au plus haut sommet de l’Etat.
L’humanité n’a même pas l’air d’apprendre de ses crimes. « Plus jamais ça » a-t-on dit, pensé, écrit après les crimes des nazis. Franchement, qui aujourd’hui y croit encore?

Propos recueillis par Jean-Paul Brighelli

Intersectionnalité et lutte des classes — des quoi ?

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68893895_474215116693577_382905830611091456_nBien sûr, tout le monde connaît l’intersectionnalité, n’est-ce pas… Car tout le monde loue les travaux de Kimberlé Crenshaw, publiés en 1991 : une Noire opprimée l’est à la fois parce qu’elle est femme, et parce qu’elle est noire. Belle trouvaille. Un ghetto noir n’est pas un ghetto blanc. Harlem contre Detroit.

Si de surcroît notre Noire est lesbienne dominatrice, transgenre, handicapée, authentique descendante d’esclave et de culture musulmane — deux termes incompatibles, parce que les Musulmans étaient du côté des esclavagistes —, si elle n’a pas fait d’études mais des ménages, qu’elle est une ménagère de plus de cinquante ans, de surcroît féministe tendance Gouine rouge, et obèse, elle offre une grande variété d’intersections. Elle appartient à une multitude de communautés qui se croisent sans se mélanger complètement : une lesbienne blanche semble bien appartenir à l’un des groupes nommés ci-dessus, mais sa qualité de « blanche » la renvoie impitoyablement dans l’univers des esclavagistes-colonisateurs-exploiteurs. Toutefois, elles appartiennent à un même parti de gauche. Forcément : à droite, on ignore l’intersectionnalité, il en est même, « républicains » auto-proclamés, qui pensent que nous appartenons tous à la race humaine, sous-groupe citoyens français — et ça suffit comme ça.
Mais à gauche, ils savent mieux — ils sont même capables de s’intersectionnaliser entre eux, entre Gauche laïque et Gauche repentante pro-islamiste, comme l’ont amplement démontré les mésaventures de mon ami Henri Peña-Ruiz expliquant aux imbéciles de LFI la distinction entre raciste et islamophobe. Même les ministres de LREM n’y ont rien compris, mais on sait que dans leurs rangs, la culture se perd.
Peut-être pourrait-on proposer une grande intersection des crétins congénitaux, des imbéciles heureux et des connards de passage ?
Vaste programme…

À noter que l’intersectionnalisation a parfois des ratés, des couacs, des hésitations au cœur même de ses certitudes. Un vegan attaquera une boucherie traditionnelle, mais pas une boucherie halal — intersection des groupes dominés. Et les féministes les plus dures ne diront rien du statut d’esclave de la femme musulmane — intersection des solidarités. Elles ne condamneront même pas les 10 ou 12 000 excisions pratiquées chaque année en France — parce que les Noires, hein, sont assez dominées comme ça sans qu’on leur reproche de se faire couper contre leur gré leur petit bout de bonheur.

Et moi ? Blanc (assez bronzé, en ce moment, mais c’est un camouflage qui ne durera pas), mâle alpha et hétérosexuel — personne ne me forcera à utiliser « cisgenre », le mot à la mode pour dire que vous êtes conforme à votre bulletin de naissance. Enseignant — est-ce une qualité… Ce ne sont pas là des caractéristiques bien méritoires. Salauds d’ancêtres qui n’ont pas été esclaves, même pas juifs, et se sont mariés en endogamie, évitant de faire de moi un métis…
Ah oui : je suis Corse — et encore, à moitié. Mais c’est une qualité que je n’exhibe qu’à partir de 11 heures du soir, après des libations généreuses au Patrimonio du Clos de Bernardi, mon préféré — le seul à être commercialisé dans des bouteilles de type Alsace. En général, cela consiste à raconter des histoires drôles corses — un exploit, les insulaires ayant à peu près autant d’humour qu’un cul de casserole. Il y a bien (à Bastia surtout) des Juifs corses, mais je ne cache pas qu’ils partagent l’immense répertoire noir des Ashkénazes. Décidément, ma corsitude est un colifichet pour discussions mondaines.

Je ne m’intersectionnalise donc avec personne — sinon des créatures adéquates pour un temps nécessairement compté, homo animal triste post coitum sauf quand il s’endort. Psychologiquement parlant, un homme ne peut pas, paraît-il, s’intersectionnaliser avec une femme — qui vit depuis son enfance sous l’emprise des mâles, bla-bla-bla, et considère sans doute que tout rapport hétéro est un viol, comme affirmait Andrea Dworkin : « Le discours de la vérité masculine — la littérature, la science, la philosophie, la pornographie — appelle cette pénétration une violation. Il le fait avec une certaine cohérence et une certaine confiance. La violation est un synonyme pour le coït. » (Intercourse, 1987).

Alors, dois-je ressentir comme une grave insuffisance le fait de ne m’intersectionnaliser avec personne ?

Cessons de rire.
Je m’intersectionnalise avec ceux qui, comme moi, gagnent leur pain à la sueur de leur plume, juste assez de pain pour changer de plume. J’appartiens au groupe global des exploités, des prolétaires sans capital — pléonasme. Des pauvres, ou en passe de l’être. Des classes moyennes dont le pain quotidien tend à se faire hebdomadaire.

Toutes ces intersectionnalisations à la mode servent surtout à faire oublier aux malheureux, auxquels l’appartenance à tel sous-groupe tient lieu d’identité et de poire pour la soif, qu’ils sont les pauvres, et que le seul combat qui vaille, c’est contre les riches. Mais les riches (qui eux ne s’intersectionnalisent qu’entre eux) contrôlent les médias qui invitent et mettent en valeur les représentantes hystériques de tel ou tel sous-féminisme, les « indigènes » qui prétendent se distinguer des Juifs et des Blancs, les homos de tout poil et de toute pratiques, les transgenres et les folles du désert. Offrant à chacun de ces segments mis en épingle leur quart d’heure de vedettariat, pour leur faire oublier le seul vrai combat, celui de ceux qui n’ont rien contre ceux qui ont tout.

La revendication de l’identité sert en fait de potion d’oubli. Cette pseudo-liberté d’être soi gomme la vérité de l’exploitation. Le communautarisme, et les circuits commerciaux qui lui sont rattachés, le rap, le halal, la culture djeune, le tronc de sainte Greta et toutes les dérivations de la colère, ne visent à rien d’autre qu’à vous faire croire que vous êtes vivants, sous une identité subterfuge, alors que vous n’êtes même plus conscients. Se revendiquer sodomite, c’est oublier qu’on se fait enculer, tous les jours, au figuré. Very profondly.

Il n’y a qu’une seule vraie colère : la quasi-misère, camouflée par ces appartenances intersectionnelles et par les colifichets de la dépendance, Smartphones achetés avec l’argent de l’allocation de rentrée scolaire, écrans plasma pour suivre les courses hésitantes des joueurs de foot, tablettes forcément indispensables pour dispenser de lire de vrais livres, fringues de marques et pompes cloutées de zyrcons.
Les Gilets-jaunes ont fait peur parce qu’ils ne paraissaient pas découpables en segments de consommation — jusqu’à ce qu’ils soient émiettés façon puzzle par une combinaison adroite du Temps et des lacrymos. Allez, vite, une Gay Pride, ça, c’est identifiable, contrôlable — intersectionnable. Manœuvre de diversion. À Paris, ils y croient. Mais dans le reste de la France ?
Guettez la prochaine colère — dès que les féministes se tairont, que les esclaves se tairont, que les bronzés se tairont, et uniront leurs colères contre le seul vrai ennemi, le seul irréductible — le fric.

Jean-Paul Brighelli

« Tu vas voir ce que dira ton père quand il rentrera ! »

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1280px-Cour_des_comptes,_Paris,_plafond_du_2e_étage_de_l'escalier_d'honneur,_Allégorie_de_la_Justice,_Henri_Gervex,_1910_(2)La Justice a toujours été représentée, dans ses allégories, par une déesse. Elle a été, en Grèce et à Rome, Thémis, Eunomie, Dicé, Tyché, Némésis, Fortuna… Toutes des femmes. Chacune de ses incarnations mythologiques lui a légué tel ou tel de ses attributs — la Balance, le Glaive, ou le Bandeau. Elle est en tout cas essentielle aux états démocratiques. Voir Pascal sur le sujet : « La justice sans la force est impuissante. La force sans la justice est tyrannique ». On n’a jamais mieux défini le nécessaire équilibre des pouvoirs — même si le philosophe note assez vite que « ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste ». Eh oui, la force prime le droit.
C’est là sans doute qu’elle acquiert un côté masculin… Après tout, on a rarement vu de femmes bourreaux. La Mère était donc la Loi au quotidien (« va te laver les mains ! »), et le Père était le dernier recours, la Voix qui descendait des cimes, comme dans Bambi ou le Roi Lion. Deux instances valent mieux qu’une.
Mais ça, c’était avant.

Dans la grande frénésie féministe, ces dames, sentant qu’elles ont désormais la force, et qu’elles ont donc tous les droits, se mêlent désormais de critiquer les décisions de justice. Hier, c’était l’affaire sauvage, qui alimenta si bien leurs diatribes que François Hollande se dépêcha de gracier une meurtrière — que la Justice, dans un premier temps, refusa de libérer. Acharnement de mâles, probablement. TF1, qui fait en quelque sorte la loi dans ce pays, se dépêcha de mettre en chantier un téléfilm où l’inépuisable Muriel Robin incarna ce déni de justice — n’en déplaise à mon ami Régis de Castelnau, un mâle blanc hétéro, donc récusé a priori. Aujourd’hui, c’est la condamnation de Sandra Muller (celle qui a initié le mouvement #Balancetonporc), condamnée pour diffamation envers le type qu’elle a publiquement traîné dans la boue, qui suscite les passions outragées. Quelques centaines de citoyennes indignées ont signé une pétition affirmant qu’elles ne respecteraient pas cette loi scélérate.

Je me fiche de savoir, sérieusement, si Mike Brant, lorsqu’il hurlait « Laisse-moi t’aimer / Toute une nuit… » se rendait ou non coupable de harcèlement : pas à l’époque en tout cas. Et qu’Eric Brion ait ou non dit à Sandra Muller : « Je vais te faire jouir toute la nuit » relève, à la rigueur, du mauvais goût ou d’une grande prétention — pas de la loi de Lynch.
Pourtant, nous y sommes. En novembre dernier, Georges Tron, l’obsédé du pied, est acquitté ; aussitôt Juliette Méadel, ex-secrétaire d’Etat chargée de l’aide aux victimes, affirme que ce verdict est « désespérant pour les doits des victimes » et que « le doute ne doit pas bénéficier aux accusés ».
Même l’Obs, rarement en retard au niveau sociétal, a trouvé qu’elle envoyait le bouchon féministe un peu loin.
Mais le mouvement était lancé. Désormais, tout le monde s’invente un Droit à sa mesure.

C’est le dernier état de l’éparpillement façon puzzle de la conscience collective, diffractée en une infinité de consciences individuelles. La démocratie se dissout très bien dans le narcissisme.
La règle était simple : quelles que fussent les décisions de justice, nous étions censés les accepter. Faire appel, éventuellement, se pourvoir en Cassation, pourquoi pas, mais in fine, accepter la Loi.
Ce n’est plus le cas. Chacune (et chacun, car ce mouvement de dynamitage de la loi commune n’a rien de strictement féminin, au fond) s’invente désormais son petit droit privé. Et, conformément à la doctrine pascalienne, cherche la force qui lui permettrait de l’imposer. Et éventuellement, comme l’avait prévu l’auteur des Pensées, substitue la force à la justice. C’est le grand retour au Far West.

Faut-il que notre démocratie soit à l’agonie pour que de telles affirmations dépassent les comptoirs de bistros où elles se cantonnaient jusque-là ! Les féministes enragées veulent leur loi : les arguments surréalistes sur le « féminicide » (nous vivons des temps acculturés où plus personne ne sait ce que signifie le préfixe « homo » d’« homicide », et où une foule de gens croient qu’il s’agit de l’homme par opposition à la femme) donnent une idée des lois sur mesure que ces dames, soudain spécialistes « naturelles » du Droit, prétendent tailler — alors qu’il est évident que toute loi spécifique affaiblit, à chaque fois, le Droit général. Les LGBT voudront la leur, alors que la Loi prévoit déjà la répression de toute discrimination basée sur le sexe ou la sexualité : ce qui a amené la police, comme chacun sait, à mettre à l’écart ceux de ses membres qui depuis des mois ou des années refusaient de serrer le main des femmes — mais cela est une autre histoire. Au nom de l’intersectionnalité des luttes, ces dames n’attaquent pas systématiquement, comme elles devraient le faire, les islamistes convaincus que les femmes sont régulièrement impures, ce qui est pourtant un délit au regard des lois républicaines — sans parler des pratiquants de l’excision ou de la polygamie.
Mais voilà : la République a laissé flotter les rubans de sa propre loi, en refusant de l’exercer à fond. Etonnez-vous que d’aucuns se substituent à elle…

Au nom du droit désormais inaliénable à se faire justice soi-même, pourquoi les femmes auxquelles ces illuminés ne veulent pas serrer la main (ou passer derrière elle dans un bus de la RATP ou de la RTM, ou utiliser un clavier qu’elles ont touché) ne giflent-elles pas ces énergumènes ? Pourquoi ne poursuivent-elles pas de leur vindicte les fanatiques qui obligent leurs épouses à marcher un mètre derrière eux, empaquetées comme de sacs-poubelles ?

Nous vivons des temps compliqués. Si l’on commence à accepter les dérives autoritaires de tel ou tel groupe, qui garantira demain que tel ou tel autre groupe n’aura pas le droit d’exercer sa justice au nom de ses principes ? Les Anglais tolèrent déjà des tribunaux islamiques pour régler les affaires courantes de certains quartiers. Mais demain, tel disciple illuminé de Zemmour ou de Savonarole fera à son tour régner un ordre nouveau, et les bûchers refleuriront. Est-ce bien ce que souhaitent nos pétroleuses ?

Jean-Paul Brighelli

Celles qui se croient sorcières…

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Capture d’écran 2020-01-23 à 17.31.20« Sorcières » ! Dernier cri de ralliement à la mode parmi les hystériques du dernier féminisme à la mode.
Rien de bien neuf. Dans les années 70, quand la « cause des femmes » était un travail sérieux sur lequel se penchait Gisèle Halimi, la branche armée du MLF avait intitulé « Sorcières » une revue consacrée au combat féministe — qui avait un sens plein à une époque où les femmes venaient enfin de décrocher le droit d’ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de leurs époux, et de contrôler leur ventre et ce qui s’y passait.
Le même mot, selon les époques, prend des sens bien différents. Au XVIe siècle et au début du XVIIe, au plus fort des persécutions, « sorcières » sentait le bûcher.Nikolay Bessonov (1962-2017), Don't be cruel, sd Quand Michelet s’en est occupé au milieu du XIXe,La-sorciere le terme était devenu référentiel à une période révolue. Dans l’après-68, c’était une métaphore. Aujourd’hui, c’est une revendication grotesque, une parodie des luttes qui ont peu à peu grignoté le pouvoir mâle dans ce qu’il avait de plus excessif. Les « sorcières » actuelles sont les arrière-petites-filles des femmes qui se sont battues pour la liberté de l’avortement et de la contraception, les très lointaines descendantes de celles qui ont payé sur le bûcher leurs dons de guérisseuses ou d’avorteuses. Même nom de famille, mais si peu de gènes en commun…Alexandre-Marie Colin (1798-1873), les Trois Sorcières, Macbeth, 1827

Je n’ai jamais été porté sur la recherche, trop touche-à-tout pour consacrer quelques belles années à un sujet unique. Mais j’ai failli succomber une fois à la tentation de la thèse.
C’était justement au début de ces années 70. J’avais eu Michelet à un quelconque programme, et l’addendum de la Sorcière m’avait aiguillé sur l’affaire Girard-La Cadière qui bouleversa Toulon et le Parlement d’Aix en 1730-1731. Raymond Jean venait de sortir la Fontaine obscure (1976), inspiré par le procès Gaufridy : j’ai face à moi, tandis que j’écris, le clocher de l’église des Accoules où officiait ce gentil garçon brûlé vif à Aix en 1611 — mais ce n’est pas le clocher d’origine. La lecture attentive de Thérèse philosophe, attribué au marquis d’Argens, et de la correspondance de Voltaire, le fait que ç’ait été la dernière affaire en France où le soupçon de sorcellerie fut évoqué — et rejeté par un tribunal qui conformément à l’évolution du Droit et à la montée des Lumières préférait juger des crimes (un viol compliqué d’avortement, à l’époque) plutôt que des fumées pseudo-religieuses, tout cela m’avait incité à y ajouter mon grain de soufre.. Travailler sur les répercussions littéraires de ce procès particulier me tenta donc quelque temps — avant de réaliser que j’avais du plaisir à lire, mais aucun à me salir les mains avec les minutes d’un procès (que je suis quand même allé déterrer dans les archives d’Aix-en-Provence). Mes velléités se sont arrêtées après le visionnage quasi simultané de la Sorcellerie à travers les âges, le film « pré-Code » (1922) de Benjamin Christensen,Benjamin Christensen, la Sorcellerie à travers les âges, 1922 et des Diables de Ken Russell (1971), où Oliver Reed se consumait en détail après quelques séances de torture pas piquées des vers.Ken Russell, les Diables, 1971 J’ai certainement bien fait d’en rester là — et Stéphane Lamotte a sorti en 2016 sur les presses de l’université de Provence une étude très fouillée de l’Affaire Girard-La Cadière que j’ai lu avec intérêt et à laquelle je renvoie le lecteur amateur d’horreurs.

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Les sorcières — les vraies — ont payé lourdement. Et les sorciers aussi, les Eglises (les Protestants en brûlèrent presque autant que les catholiques, comme l’explique Robert Mandrou dans un célèbre ouvrage)Mandrou avaient le geste large, même si les « filles d’Eve » (ou de Lilith, disent justement les sorcières), les disciples de CircéWright Barker (1863-1941), Circé, 1889 et de Médée, les thuriféraires d’Hécate, bref, les filles du Diable, furent globalement plus nombreuses que leurs homologues masculins à connaître les joies de l’Inquisition et la curiosité des juges, toujours friands de corps féminins torturés.
Ça m’a toujours étonné d’entendre des femmes parfois cultivées faire des sorcières des parangons de féminité, alors qu’elles sont tributaires d’un culte démoniaque qui les soumet au phallus suprême de Satan, dont les procès nous ont appris qu’il était mi-chair mi-métal, et recouvert d’écailles qui se redressaient, comme une collerette de samurai, à l’intérieur du vagin. Tous détails chez Frédéric Delacroix, fin XIXe, ou chez Jacques Roehrig — entre autres. Sans remonter au Marteau des sorciers et à Jean Bodin. Les sabbats commençaient d’ailleurs par une feuille de rose administrée à Satan — on ne peut pas imaginer un plus fort symbole de soumission, n’est-ce pas…
Ces femmes aidaient les autres femmes, affligées de maux divers, de grossesses non désirées, de maris incommodes. Du geste thérapeutique au geste criminel, il n’y a parfois qu’un pas. Et elles ont payé pour les fantasmes de siècles de puritanisme — moins on tolère, et plus l’esprit s’évade dans l’interdit. Le puritanisme actuel finira peut-être par engendrer de nouvelles pratiques déviantes — en tout cas, les sorcières actuelles allument les bûchers des hommes qui les regardent, une agression insupportable, comme chacun sait. Sans parler de ceux qui leur mettent la main aux fesses.

À propos de main aux fesses… Que pensez-vous de ce tableau équivoque où Mars caresse avec intérêt le cul de Vénus ?Lavinia FontanaAffreux, n’est-ce pas… Machisme ! Agression !
Sauf que c’est une femme, Lavinia Fontana, qui a peint cette toile admirable. Et prière de ne pas y voir — sous peine d’anachronisme monstrueux, mais qu’est-ce qui les arrête… — une dénonciation du machisme ambiant au début du XVIIe. #MeToo ne fonctionnait pas en 1610.

Jean-Paul Brighelli

Génération offensée

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9782246820185-001-TIl y avait la « Génération J’ai le droit » chère à Barbara Lefebvre. Voici la « Génération offensée » de Caroline Fourest : le propos est sensiblement différent, mais à l’arrivée les deux livres se rejoignent. La génération 2000 (et même en grande partie la génération précédente, celle des années 1990) est tellement atomisée par une inculture sidérante qu’elle préfère sacrifier le bon sens sur l’autel de ses passions que s’imposer l’exercice, toujours rude, d’un examen rigoureux de son mode de pensée et de son rapport au réel.

Le livre de Fourest est — entre autres — une collection des hauts faits du politiquement correct, des deux côtés de l’Atlantique. Il y a la narration des épisodes connus, l’interdiction d’un spectacle au Québec, le lynchage d’un prof à Evergreen, le blocage des Suppliantes d’Eschyle à la Sorbonne pour cause de « blackface », ou l’interdiction de parler imposée à Sylviane Agacinski à Bordeaux. De tout cela j’ai parlé par ailleurs.
Il y a aussi l’exposé, moins documenté dans la grande presse (et cela seul est significatif du climat de peur qu’ont instauré les tenants du multi-culturalisme et de la pensée décoloniale) d’une multitude d’incidents, de pressions sur des artistes, de lynchages inaboutis (y compris celui de la narratrice, en Belgique). Une convergence d’horreurs qui à terme, parce que cette génération est arrivée aux commandes de nombreuses facs — via le secteur inépuisable de bêtise de la Sociologie —, menacent de ranger la France sous la bannière, déjà déployée aux Etats-Unis, du sectarisme et de l’anti-universalisme. Voir par exemple les ennuis d’Exhibit B, un spectacle sur le colonialisme que la Brigade anti-négrophobie (non, je n’invente rien !) a tenté d’interdire en 2014 au théâtre de Gérard Philipe de Saint-Denis.

Le récit du scandale du Bánh mì inscrit dans les menus de la fac d’Oberlin en 2015 est ainsi un petit bijou narratif. En deux mots, une étudiante d’origine vietnamienne ne retrouve pas dans le plat proposé à la cantine les ingrédients traditionnels, et hurle à la mort — et à « l’appropriation » par une culture blanche (le blanc, c’est le mal, chacun sait ça) d’un produit spécifiquement asiatique…
Sauf que Bánh mì vient de « pain de mie », et que ce plat si culturellement vietnamien est en fait une pure production de la période coloniale. Une appropriation par les Indochinois de la baguette française — une excellente idée, par ailleurs, et pas de quoi monter sur ses grands chevaux. Mais en l’absence de toute culture, on s’insurge pour des riens.

Et c’est ce qui frappe dans ces anecdotes soigneusement rassemblées. L’inculture absolue des étudiants d’aujourd’hui. Pas de quoi s’en étonner pourtant. Nous savons bien qu’on ne les a pas éduqués, et que l’école US ne vaut pas mieux que la nôtre — qui en a d’ailleurs copié les tares, acquises là-bas dès la fin des années 1960.

Reprenons au début. Fourest analyse remarquablement la clé de tous ces comportements apparemment incohérents : « La légitimité vient du statut de victime », les jeunes d’aujourd’hui préfèrent être pots de terre que pots de fer. C’est le leitmotiv de son livre : « Les sociétés de l’honneur, explique-t-elle avec une grande pertinence, flattaient l’héroïsme, au prix d’un virilisme guerrier. Les sociétés contemporaines ont placé le statut de victime tout en haut du podium » — et ont même généré une « compétition victimaire ». Cette dévirilisation, dont Nietzsche attribuait les symptômes au triomphe du christianisme, qui exhibe une victime exemplaire comme modèle indépassable — et l’islam joue désormais sur la même corde sensible —, touche tous les secteurs, principalement la jeunesse.
Qui se réfugie dans les « safe spaces » (ces lieux préservés dans les facs américaines où l’on ne craint plus d’être offensé par les propos de qui que ce soit — l’entre-soi absolu), et profite des « trigger warnings », ces avertissements proférés par les enseignants afin d’éviter aux oreilles sensibles de leurs étudiants d’être heurtées par des propos sur les races, le viol, les femmes, et j’en oublie car la sensibilité des « victimes » est infinie : ainsi ceux qui craignent les agressions psychologiques peuvent sortir tout de suite de la salle, au lieu de se lever, indignés, en plein milieu du cours.
Quel idiot de ne pas y avoir pensé ! Travaillant cette année — entre autres — sur les Liaisons dangereuses, insistant particulièrement sur la façon grotesque — que souligne la Marquise de Merteuil — dont la pauvre Cécile raconte son dépucelage, j’aurais pu, par la grâce d’un trigger warning de bon aloi, vider ma salle, encombrée d’élèves, de la moitié des effectifs. Nous nous serions retrouvés entre gens intelligents — quel bonheur… Sans compter que c’est un excellent moyen de résoudre le casse-tête des classes surchargées.

Caroline Fourest n’a pas de mal à expliquer que cet anti-racisme de carnaval est un vrai racisme dans les faits. Que ce féminisme tribal est un anti-féminisme : voir la façon dont Houria Bouteldja, qui rêve sans doute du succès, outre-Atlantique, d’une ordure antisémite comme Louis Farrakhan, le créateur de la Nation of Islam, explique que seul un viol pratiqué par un Blanc est un vrai viol, et que ses « sœurs » seraient bien inspirées de ne pas dénoncer ceux pratiqués par des salopards « racisés », comme disent élégamment ces gens-là. Le livre de Fourest a été écrit et imprimé avant l’affaire Mila, mais le silence d’Osez le féminisme et des associations LGBT sur le cas de cette adolescente vilipendée parce qu’elle est lesbienne et a expliqué ce qu’elle pensait de la religion musulmane est significatif : au nom de l’intersectionnalité des luttes, pas question de soutenir une femme qui se plaint de Musulmans. « C’est tout le problème du droit à la différence », explique Fourest. « Au lieu d’effacer les stéréotypes, il les conforte et finit par mettre les identités en concurrence. »

Fourest explique alors de façon lumineuse les enjeux cruciaux de ces combats : « Porté par une jeunesse estudiantine assoiffé de radicalité pour faire oublier ses privilèges, l’antiracisme identitaire ne songe qu’à éliminer sa concurrence : l’antiracisme universaliste ». Dans un monde où seuls des « transgenres » peuvent jouer des transgenres, Marlon Brando, qui avait des origines fort diverses mais pas d’ADN italien, n’aurait pas dû être autorisé à jouer le Parrain.

Là où je ne suis plus Caroline Fourest, c’est lorsqu’elle dit que les prises de parole de la Gauche postmoderniste « ne servent qu’à gonfler les voix de l’extrême-droite » — qu’elle persiste à croire un danger sous prétexte que de vieux fachos parlent sur Radio-Courtoisie (combien d’auditeurs ?) ou dans les colonnes de Minute (combien de lecteurs ?).
Parlons clair, pour redresser les idées tordues que nombre d’imbéciles colportent. Ceux qui se dressent aujourd’hui contre cette Gauche identitaire, contre ces antiracistes racisés, contre ces féministes capables de défendre le viol et l’excision au nom de l’intersectionnalité des luttes, sont des Républicains purs et durs. Majoritaires dans le pays, mais éparpillés, et qui se soucient fort eu d’être rangés dans les petites cases de Droite et de Gauche. Dire que leurs prises de position — y compris les miennes — servent l’extrême-droite, c’est faire le lit d’une seconde session, 2022-2027, du « centrisme totalitaire », selon le joli mot de Polony.

Vous vous rappelez sans doute que dans vos manuels du Primaire (je m’adresse ici aux plus de 50 ans, Fourest y a sans doute échappé), on vous racontait le dialogue du fils de Jean le Bon qui, se battant avec son père à la bataille de Poitiers, lui lançait : « Père, gardez-vous à droite ! Père, gardez-vous à gauche ! » Nous sommes tenus de marcher sur la crête — et ce n’est pas bien commode. Mais c’est essentiel.

Un mot encore. Dans Réflexions sur la question juive, Sartre explique très bien que les racistes ne sont pas susceptibles d’être convaincus — parce qu’ils sont dans la passion (un mot que Fourest utilise à bon escient pour décrire l’état d’esprit des dictateurs en herbe) et non dans la raison. Et que seule une grande claque dans la gueule peut les faire changer d’avis. Ma foi, je crois qu’effectivement il ne faut pas essayer de convaincre de leurs torts des gens qui pensent n’en avoir aucun. Plus qu’à la « génération 2000 », ils appartiennent à l’espèce « sombres connards », et je ne vois pas d’autre solution, à chaque rencontre, que de les châtier durement. Ils vivent d’impunité ? Eh bien, il faut que cesse cette impunité, et qu’ils paient, dans leur chair, les exactions qu’ils se permettent. Ce sont de vrais fascistes, il faut les traiter comme des fascistes. C’est de la légitime défense — et rien d’autre.

Jean-Paul Brighelli

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